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Par assoc.tertulia le 11 Décembre 2017 à 18:37
Si vous passez par Aix-en-Provence
Découvrez l'exposition "Botero, dialogue avec Picasso" à l'hôtel de Caumont à Aix-en-Provence du 24 novembre 2017 au 11 mars 2018
https://www.franceculture.fr/evenement/botero-dialogue-avec-picasso#xtor=EPR-2-[LaLettre11122017]
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Par assoc.tertulia le 12 Avril 2014 à 10:40
Le Gréco et la Contre Réforme : « Je t’aime moi non plus » ?
Incompris pendant des siècles, le Gréco le restera sans doute encore longtemps...
Est-il possible cependant de poser quelques jalons dans ce labyrinthe ?
Doménikos Theotokopoulos était né en 1541 à Candia (Héraklion) en Crète, qui était alors une possession de la République de Venise. Son père était commerçant et collecteur d’impôts.
Il étudia la peinture dans son île, et devint un maître reconnu en icônes byzantines, dans un style traditionnel orthodoxe grec. Les icônes étaient des représentations artificielles, un peu hiératiques et très codées. Elles servaient de support à la dévotion, et n’étaient pas considérées comme des « œuvres d’art ».
Agé de 26 ans environ (1567), afin de perfectionner son art, il se rendit à Venise qui était à l’époque le plus grand centre artistique de l’Italie. Il y rencontra le vieux Titien (1488 – 1576), Tintoretto (1518 – 1594), Veronèse (1528 – 1588), et d’autres, dont il étudia les œuvres.
Il arriva à Venise en pleine période « maniériste ».
Cette période constitue une rupture avec l’optimisme et l’harmonie de la Renaissance, à la suite du sac de Rome, de la Réforme protestante et de la perte de l’autorité papale.
Elle se caractérise, entre autres particularités, par une symbolique complexe (alchimie, art du blason, langage des fleurs, ...), la déformation et la torsion des corps, le goût des schémas sinueux, dont la "figure serpentine", la recherche du mouvement, la modification des proportions du corps, les contrastes de tons acides et crus, l'allongement des formes, les postures artificielles.
Ensuite, il fit un séjour à Rome où il poursuivit sa formation italienne.
Fort de cette expérience, âgé de 36 ans, c’est un homme et un peintre déjà bien formé, reconnu et sûr de lui qui arriva en Espagne, en 1577.
Attiré par les fastes du chantier de l’Escorial, il pensait trouver là l’occasion de se construire une fortune et une célébrité. Il s’installa à Tolède où il se fit des amis, parmi lesquels Diego de Castilla, doyen de la Cathédrale, qui lui commanda bientôt plusieurs tableaux.
Il fut ensuite présenté au Monarque et en obtint une commande qu’il exécuta entre 1880 et 1882 : « El Martirio de San Mauricio ».
Hélas, l’œuvre ne plut pas à Philippe II ... Et cela pour plusieurs raisons.
Philippe II était un fin connaisseur en peinture (entre autres spécialités): il n’apprécia pas les couleurs, les formes, ni l’aspect descriptif et narratif, ni les corps dénudés des scènes représentées.
En un mot, ce tableau ne correspondait pas aux canons du Concile de Trente !
Il paya le tableau et le mit au rebut où il resta pendant des décennies.
On imagine la déception de notre peintre qui, du coup, se replia définitivement sur Tolède.
Quels étaient donc ces canons de la Contre Réforme ?
Auparavant, deux mots sur la Réforme.
Depuis la fin du Moyen Age, l’Eglise Catholique Romaine sombrait dans le luxe, la corruption morale et financière, —voir à ce sujet le pape Alexandre VI et sa famille Borgia, d’origine espagnole... —, et dans les abus de pouvoir. Par ailleurs, grâce à l’imprimerie, les fidèles purent se rendre compte que cette Eglise trahissait systématiquement les enseignements de la Bible, et du Christ en particulier.
Il en résulta un mouvement de « réforme » qui avait pour objectif d’assainir tout cela, mais aussi de modifier les rapports de l’Homme à Dieu en refusant les entités intermédiaires, comme le Pape, ainsi que les dogmes tels la « virginité de Marie » et le culte des Saints.
Consciente de tout cela, l’Eglise avait entrepris elle-même de se réformer soit de façon intérieure et discrète —Sainte Thérèse d’Avila—, soit de façon outrancière par la « Contre Réforme » issue du très doctrinaire Concile de Trente.
En ce qui concerne l’iconographie, tout ce qui pouvait aller à l’encontre des Protestants était bon à exploiter, pour enseigner —ré endoctriner— le peuple des fidèles égarés: Vierges et enfants Jésus, Christs agonisants, Saints, etc.
Et l’Espagne, toujours excessive, surpassa même le Concile, qui ne souhaitait pas que les images soient adorées pour elles-mêmes, en créant un véritable foisonnement d’idoles. Les exemples les plus représentatifs de cet art, encore vénéré aujourd’hui, se trouvent dans les statues baroques de la Semaine Sainte.
On perçoit facilement les différences avec les Christs du Gréco.
N’ayant pas été admis à l’Escorial, Doménikos s’installa donc définitivement à Tolède. Il choisit le quartier de la « Judería » où il occupa une des vastes maisons du Marquis de Villena, très célèbre converti, près de la synagogue du Tránsito, mais qui n’est pas celle que l’on a reconstituée de toutes pièces et que l’on visite aujourd’hui.
Son principal ami et mécène, Diego de Castilla (1507 – 1584), était d’origine juive. Il avait été le principal opposant au statut de « pureté du sang » établi par le Cardinal de Tolède, ce qui lui barra toute promotion par la suite.
Notre peintre eut une compagne, Jerónima de las Cuevas, d’origine juive aussi, et apparentée à Sainte Thérèse, avec qui il ne se maria pas, sans doute pour ne pas changer de religion, et eut un fils qui ne fut jamais baptisé.
La possible origine juive du Gréco est renforcée par d’autres indices, par exemple de nombreux signes énigmatiques présents sur ses tableaux, le plus frappant étant la main du Chevalier, présente aussi sur d’autres tableaux.
Cette position des doigts, difficile à réaliser, antinaturelle, n’est pas le fait du hasard. Des chercheurs juifs ont pu y déceler un signe de reconnaissance secret entre « marranes », les juifs convertis, mais seulement en apparence, au catholicisme.
La « Sainte Inquisition » ne manqua pas de l’importuner au cours de plusieurs procès !
On lui reprochait entre autres crimes de déformer les Ecritures, de faire des représentations blasphématoires des Saints, de peindre des Anges « païens » à cause de leurs ailes trop grandes, d’utiliser des couleurs trop criantes et vulgaires, impropres à la prière. En quelques mots : une peinture hérétique, indécente, donc non conforme aux Canons du Concile de Trente.
Même les Francs Maçons ont cru reconnaître dans ses tableaux des signes, venus des Templiers, par les Chevaliers du Christ. Dans l’ « Enterrement du Comte d’Orgaz », ils voient la longue croix de ces Chevaliers du Christ, une tête de mort, un compas, une équerre, etc. Notre homme aimait beaucoup l’argent : le gagner et le dépenser, ce qui le conduisait à subir ou à provoquer de nombreux procès à propos de ses droits d’auteur, ce sur quoi il est un véritable précurseur.
Il aimait la vie et menait grand train, ayant même à son service des musiciens pour animer ses réunions mondaines
Par ailleurs, on considère qu’il ne s’ « intégra » vraiment jamais, selon le concept à la mode aujourd’hui, à la société espagnole : il parlait dans un jargon gréco-italo-espagnol, il signa toujours de son nom d’origine, écrit en lettres grecques. Son nom même, « El Greco » est un mélange d’espagnol et d’italien.
Enfin, dans ses écrits, récemment retrouvés, dans les marges des livres de sa bibliothèque –car il lisait beaucoup–, on a remarqué qu’il ne parlait jamais de religion.
A sa mort, et à celle de ses protecteurs, il tomba dan un oubli de trois siècles. Ses tableaux furent livrés aux outrages du temps, dans le fond des églises où ils se recouvrirent de poussière et finirent par craquer et par moisir. D’autres furent vendus pour des bouchées de pain.
Lors de la construction du Musée du Prado, au mieux on l’oublia, au pire on refusa sa présence! Il ne bénéficie donc ni d’une salle ni d’un médaillon à l’entrée...
On a pu dire des choses aussi opposées que « Le Gréco au service de la Contre Réforme » et « Le Gréco athée plus ou moins opportuniste » !
Il fallait bien toutes ces œillères idéologiques, irrationnelles, manichéennes, fanatiques, de part et d’autre, pour être aussi aveugle.
Par contre, le Franquisme tenta de se l’approprier : le baiser de la mort, qui aurait pu lui être fatal...
Tout le monde tente de le récupérer aujourd’hui : les Juifs, l’Eglise Catholique, et surtout... le Tourisme !
Est-il possible de synthétiser tout cela pour approcher l’esquisse d’un portrait de l’homme?
D’origine juive espagnole par ses grands-parents chassés en 1492, sans doute ; de confession orthodoxe grecque : probablement.
Formé initialement à la contraignante technique de l’icône, puis au maniérisme italien : on en a toutes les preuves.
Informé sur divers courants ésotériques : vraisemblablement, si l’on en juge par ses lectures.
Immergé dans le fanatisme catholique de la Contre Réforme et de l’Inquisition, puis obligé de travailler pour ces mouvements auxquels il semble ne pas avoir adhéré : de toute évidence, il ne figure dans les listes d’aucune confrérie..
Sûr de son art, orgueilleux, aimant le luxe et l’argent, ardent défenseur de ses intérêts : ses nombreux procès le montrent.
En grand décalage avec la sensibilité et les courants picturaux de son temps : oui, clairement, car il n’a pu tenir que grâce à des protecteurs et à des mécènes qui, soit comprenaient sa peinture, soit agissaient pour des raisons secrètes plus profondes. L’oubli dans lequel il est rapidement tombé semble le prouver.
Alors ?
Le mieux est de revenir aux œuvres, par exemple à ce Saint Pierre, restauré seulement il y a quelques années ! Et de poser une question de fond, au-delà de toutes les récupérations et de toutes les polémiques : peut-on peindre cela sans avoir un minimum de foi, au moins en l’Homme ? En synthèse, chez le Gréco, comme c’est la cas chez tous les mystiques de toutes les traditions, la foi ne transcenderait-elle pas les religions, les dogmes et les politiques ?
Et Dieu, qui n’a rien à voir avec toutes ces manigances, ne se révélait-il pas directement à lui, étant en chacun de nous, et aussi, espérons-le, chez les « pêcheurs » eux-mêmes... ?
Daniel D.
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Par assoc.tertulia le 25 Février 2014 à 12:14
Le « Christ de Velázquez » : des légendes qui éclairent l’Histoire
A six mois près, Diego Velázquez (juin 1599 – août 1660) aura vu se dérouler sa vie tout entière au cours de ce XVIIe Siècle qui n’a pas pu freiner l’inexorable chute de l’Espagne comme grande puissance, à la fois dans le fanatisme de l’Inquisition et dans la lumière des derniers grands génies du Siècle d’Or, dont il faisait partie lui-même.
On vous dira que ce Christ a été peint en 1632, qu’il recèle la particularité d’une crucifixion à quatre clous, selon la doctrine du maître et beau-père de Velázquez, Francisco Pacheco, qui l’avait prise chez de Dürer, que ce tableau est resté au couvent de San Plácido à Madrid, jusqu’en 1804 et qu’après être passé par diverses mains, il est enfin arrivé Musée du Prado en 1829. C’est vrai. On vous parlera d’influence italienne, du baroque espagnol, du fond noir qui met en valeur l’essentiel, des Impressionnistes, de Picasso, de Francis Bacon, et autres lieux communs aseptisés que l’on ressasse partout. S’il faut en passer par là...
On vous tiendra de savants discours universitaires sur le trop long poème que le philosophe Unamuno écrivit pour ce Christ : pourquoi pas ?
Ce sont ici d’autres points de vue que nous retiendrons, moins « politiquement corrects ». Pour commencer, nous avons affaire, sans doute, au seul Christ que Velázquez ait peint, car il n’était pas un peintre « mystique ».C’est qu’il l’a réalisé à la demande de l’un ou l’autre des personnages sulfureux que nous allons rencontrer, et à une époque particulièrement trouble, émaillée d’étranges légendes fort révélatrices.
Nous sommes dans les premières années 1620. Un jeune noble d’environ 25 ans, don Jerónimo de Villanueva, « protonotaire » d’Aragon, fortune assurée par ses parents, et déjà bien placé à la Cour, se propose d’épouser une riche héritière, Teresa Valle de la Zerda y Alvarado, à Madrid.
Mais voilà qu’à la suite d’on ne sait quelle embrouille amoureuse, le projet échoue —sans doute à cause du fiancé...— car le brave don Jerónimo se voit dans la situation de devoir « réparer » quelques chose. Il choisit pour cela de faire transformer l’une de ses maisons en couvent de l’Ordre de Saint Benoît, qui prendra le nom de « Monastère de l’Incarnation Bénie » ou « de Saint Placide ».Son ancienne promise s’y installera et sera aussitôt élue Mère Supérieure en 1624. Lui, il restera le propriétaire des bâtiments. A l’époque, comme on le sait, les « vocations » ne manquaient pas, réelles ou forcées, pour « caser » les jeunes filles oisives ou rejetées par leurs familles, et qui y entraient parfois très jeunes.
Or, dès 1628, commencèrent à courir d’inquiétantes rumeurs : quelques-unes des religieuses avaient été surprises en train de se rouler par terre en bavant, les yeux révulsés, proférant des insanités et des blasphèmes ! Elles étaient sous l’emprise d’un démon qu’elles nommèrent « Peregrino »!
Les choses prirent de telles proportions que pas moins de 25 des 30 nonnes furent atteintes, y compris la Mère Supérieure.
C’est à ce moment-là qu’on découvrit que leur confesseur, le beau Francisco García Calderón, tenait des discours et avait des pratiques vraiment bien peu orthodoxes...
Et la « Sainte Inquisition » commença à y mettre son nez.
Mais, notre bon confesseur était-il le seul responsable des errements des nonnes ?
Cela nous donne l’occasion de faire la connaissance de deux très hauts personnages de l’époque.
D’abord, le « Conde Duque de Olivares », Enrique de Guzmán, héritier d’une longue lignée de la grande noblesse espagnole.
A force d’intrigues et de bonnes relations, il arriva à être choisi comme favori par le roi.
Ce fut un personnage clef du règne de Felipe IV, rival de Richelieu dans la « Guerre de trente ans », homme compétent mais dont la carrière se termina par un échec, en particulier à cause des Catalans qui se refusèrent à participer aux efforts de guerre aux côtés de la Castille —déjà !—, et qui acheva sa vie en exil à Toro.
Il avait sous sa protection Jerónimo de Villanueva, qui était Secrétaire du Roi. Comme on se retrouve !
Et maintenant, le roi Felipe IV :
Ce roi, qui régna 44 ans, fit ce qu’il put pour maintenir l’Espagne au niveau où l’avait portée son grand-père Philippe II, mais il n’y arriva jamais, malgré ses quelques qualités personnelles. Ce qui nous intéresse ici, c’est que, s’il avait en général un caractère faible et indécis, ce n’était pas toujours le cas. En effet, il était très friand de jeunes nonnes qu’il recherchait assidûment!
Et voilà comment une légendaire intrigue va prendre corps, si l’on ose dire...
Il se trouve qu’à cette époque-là, entra au couvent de San Plácido une petite merveille : une jeune blonde angélique aux yeux bleus, le fantasme même du roi !
Et l’information ne tarda par à lui arriver par l’un ou l’autre des personnages que nous venons de rencontrer, et qui lui servaient sans doute de « rabatteurs » : il faut bien flatter son maître, et le distraire de ses ennuis avec la Catalogne, le Portugal, et la banqueroute annoncée...
Depuis ce jour-là, il ne pensa plus qu’à ça, et n’eut de cesse qu’on la lui présentât. Cependant ce n’était pas chose facile, même pour un roi : il se rendit, déguisé, au couvent, mais il ne put pas vraiment la voir, seulement l’entendre, cachée comme elle était derrière les grilles du cloître. Mais la seule musique de sa voix acheva de le rendre fou de désir. Il la lui fallait à tout prix !
Nous avons là tous les éléments pour bâtir une typique saynète, de l’espagnol « sainete » —au masculin—, et qui ont fait la pâture des commérages de Madrid, puis inspiré bon nombre d’écrivains.
Voici comment nous la raconte le docteur Gregorio Marañón, savant historien à ses heures.
La belle et fraîche religieuse se nommait Sor Margarita de la Cruz.
Le protonotaire possédait une maison contiguë au couvent. Il fut donc décidé, avec sa complicité, de creuser un passage secret qui aboutirait dans la cave où les religieuses entreposaient leur charbon, à l’intérieur même de la partie cloîtrée.
La Mère Supérieure fut mystérieusement informée des projets du roi, peut-être par la petite nonne elle-même, qui ne devait pas les apprécier beaucoup. Mais, que pouvait faire une simple religieuse face au pouvoir absolu du Monarque ? Certainement pas l’affronter directement !
Et c’est ici qu’apparaît la superbe et romanesque astuce de cette Mère Supérieure.
Lorsque le roi, expressément déguisé et accompagné de ses complices, sortit de la cave à charbon et apparut dans les couloirs du couvent, il se trouva en présence d’une impressionnante cérémonie funèbre.
En ayant demandé la cause, il apprit que l’une des religieuse venait d’être victime d’une mort subite, et que toutes ses sœurs étaient en train de veiller sa dépouille et pratiquaient les rites mortuaires propres à la communauté. Il voulut savoir qui était la morte.
C’était justement Sor Margarita de la Cruz !
Il en reçut un choc terrible, et envoya ses complices avec mission de vérifier et de faire les prières qui convenaient.
Effectivement, la nonnette était allongée dans un cercueil, les mains croisées sur la poitrine, tenant un crucifix. Quatre gros cierges brûlaient aux angles du catafalque. L’horreur absolue!
Tout ce petit monde épouvanté, la queue basse si l’on peut user de cette métaphore..., s’empressa alors de reprendre le chemin de la cave à charbon !
Vous aurez compris qu’il s’agissait là d’une géniale mise en scène.
Le roi finit par le comprendre, ou par l’apprendre par la rumeur, et la légende conclut en affirmant qu’à titre de représailles, il demanda une véritable entrevue et que, cette fois-là, il arriva à ses fins !
C’est déjà très grave, et très révélateur de l’état d’une société, même si ce n’est qu’une légende.
D’autres histoires couraient encore, accusant ces bonnes sœurs d’avoir commerce avec le démon, de donner des consultations ou de délivrer des augures à la plus haute société, tout en cautionnant des pratiques carrément sataniques.
Mais il y avait bien pire, et très historiquement prouvé cette fois.De nombreuses familles de Juifs portugais, fuyant l’Inquisition de leur pays, qui était encore pire que celle de l’Espagne, s’étaient installées à Madrid, pour y chercher un refuge et du travail.
Il se trouve qu’en 1630 deux d’entre elles furent dénoncées à l’Inquisition pour avoir, à de nombreuses reprises, injurié, malmené, martyrisé un Christ, le frappant, le jetant au sol et le brûlant au cours de réunions sacrilèges.
Tous furent arrêtés et interrogés, mais les juges n’obtenaient rien de très convaincant. C’est alors qu’ils s’intéressèrent à l’un des enfants, âgé de 6 ans, jusqu’à ce qu’il déclare qu’effectivement, il voyait régulièrement ces horreurs chez lui, par le trou de la serrure et qu’un jour même, il entendit le Christ se plaindre et demander pourquoi on lui infligeait de telles sévices.
Les malheureux parents confirmèrent les faits sous la torture...
Cette déclaration troubla grandement les Inquisiteurs, et même si certains d’entre eux n’y croyaient pas complètement, cinq adultes furent condamnés au bûcher, et les enfants à la réclusion perpétuelle.
L’ « Auto de fe » eut donc lieu à Madrid, en présence de toute la Cour, le 4 juillet 1632. La cérémonie dura 11 heures d’affilée, en pleine canicule, et fut suivie par une foule considérable. Ce fut, à n’en pas douter, un procès « arrangé », car les historiens n’hésitent pas à dire que le Favori Olivares avait besoin de donner des gages à ses ennemis politiques qui le considéraient trop laxiste avec les Juifs et trop faible avec les rebelles portugais. Il fallait donc trouver des boucs émissaires !
Revenons à la commande du Christ faite à Velázquez.
Nous sommes maintenant, comme dans un vrai roman policier, en présence de plusieurs « coupables » potentiels, tous aussi plausibles les uns que les autres : Villanueva, Olivares, Felipe IV.
Avant d’examiner les cas, une certitude : ce Christ fut bien commandé à Velázquez pour le couvent de « La Encarnación Benita », et une question : pourquoi un Christ alors que couvent était placé sous le patronage de l’Incarnation ?
Villanueva et les religieuses :
Les religieuses possédées furent emprisonnées quelque temps pour délit d’« illuminisme », puis relâchées, car reconnues victimes de leur scandaleux confesseur qui finit ses jours en prison.
Villanueva fut inquiété lui aussi par l’Inquisition, mais s’en tira grâce à ses bonnes relations.
Olivares :
En raison de sa complicité dans les pervers agissements du roi, et de son comportement vis-à-vis des Juifs portugais, il avait sans doute pas mal de choses à se reprocher..
Philippe IV :
Si l’on accorde du crédit à la légende, l’aventure de la macabre mise en scène au couvent lui aurait donné très mauvaise conscience. Et puis, la petite nonne ne s’appelait-elle pas Margarita « de la Cruz », « de la Croix » ?
L’Histoire n’a pas réussi a trancher !
Ce qui est sûr, c’est que Velázquez a donné à ce Christ le visage, presque adolescent, d’un être doux, innocent, profondément affligé, plus par les horreurs du temps que par son propre sacrifice !
Tous ces hommes, malgré leur position au sommet du pouvoir absolu, étaient à la fois croyants sincères, ignorants et terriblement superstitieux, victimes, comme le pays tout entier, de l’effroyable fanatisme religieux de l’époque, et des réactions « sataniques » qui, fatalement, devaient en résulter.
Car, comme l’écrira le peintre Francisco de Goya, un siècle plus tard : « El sueño de la razón produce monstruos » (« Le sommeil de la raison produit des monstres »).
Daniel D.
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Par assoc.tertulia le 15 Février 2014 à 11:57
Armando Bergallo est un artiste uruguayen installé à Lalandusse près de Castillonnès (Lot et Garonne)
Parallèlement à sa carrière, il participe activement à la vie culturelle locale en offrant des manifestations de grande qualité : l'une des dernières était un "son et lumière" à Douzains.
Pour le connaître, avoir un aperçu de ses œuvres et voir les reportages qui lui sont consacrés dans la presse et à la télévision, cliquer sur le lien : http://www.armandobergallo.com/
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Par assoc.tertulia le 19 Janvier 2014 à 12:06
Certains, lors d'un récent séjour à Paris, ont peut-être eu l'occasion de voir l'exposition consacrée au célèbre couple de peintres mexicains Frida Kahlo et Diego Rivera au
MUSEE DE L'ORANGERIE (cette manifestation a pris fin le 13 janvier 2014)
FRIDA KAHLO
1907-1954
Difficile de présenter Frida Kahlo, artiste mexicaine dont la notoriété est liée à celle de son mari Diego Rivera. Il faut lire l'excellent article de Jean Rouzeaud sur le site de Radio Nova :
"Grace à la protection et à l’influence de Diego Rivera, Frida Kahlo va élargir sa palette, vers les Indiens, la nature, les animaux, les plantes et réaliser des auto portraits nombreux « à la mexicaine », avec chemisiers brodés, jupons, tresses, rubans, châles et bijoux .
Rebelle, elle peint son ombre de moustache et accentue ses sourcils qui se rejoignent comme un V ouvert sur son front. Sa tête, auréolée de tresses de rubans et de fleurs, ses boucles d’oreille, bagues et bracelets sont exactement la tenue traditionnelle des Mexicaines de la capitale : les Indiennes.
Avec son visage aigu aux traits fins, elle est obligée d’en rajouter dans sa pilosité, sa couleur de peau, sa tenue et ses attitudes. Ces petits autoportraits sont une déclaration d’indépendance : une artiste indianisante, parée à l’indigène, entourée d’animaux et de fruits exotiques, si photogéniques."
"Jean Rouzeaud déplore l'image de star qui a émergé dans les années 80 avec de mauvais articles, livres et films exploitant une "love story" idiote avec Diego Rivera. Bien sûr, cela existe mais est-ce que, attirant l'attention sur son personnage si singulier, cet engouement n'a-t-il pas contribué à la faire entrer dans la postérité ? Tout le monde a en tête sans doute la production hollywoodienne "FRIDA" sorti en 2002. Il a certes des défauts mais il a continué à laisser une porte ouverte à la curiosité des spectateurs. Les images sont belles et la Bande Originale est ponctuée de chants mexicains nostalgiques, engagés ou oniriques interprétés par Chavela Vargas, Lila Downs ou encore Caetano Veloso. Cette image ne reste pas figée, de nouvelles études affinent la connaissance de la vie et de l'œuvre de l'artiste."
Voici un petit film au commentaire intéressant sur la "Casa Azul" située à Coyacan dans la banlieue sud de la ville de Mexico, où naquit, vécut et mourut Frida Kahlo. Elle a été transformée en musée peu de temps après la mort de l'artiste, elle est pleine de ses objets personnels et a été laissée telle qu'elle était du vivant de sa propriétaire. On dit même que ses cendres y reposent dans une urne de terre cuite :
Une fois familiarisés avec cette approche, vous êtes invités à visiter l'intérieur presque comme si vous y étiez. Vous remarquerez le décor imaginé par Frida, les petites touches qu'elle y a laissées comme par exemple, dans la cuisine, son nom et celui de Diego faits d'alignements de petites céramiques colorées, ou, par contraste, ses corsets de plâtre, sa jambe de bois, tout ce qui rappelle ses souffrances et sa force pour les dominer.
Visite virtuelle de la "Casa Azul" :https://www.recorridosvirtuales.com/frida_kahlo/museo_frida_kahlo.html
Un aperçu de ses œuvres : http://www.fkahlo.com/espanol/index_espanol.html
Le musée : http://www.museofridakahlo.org.mx/
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