• Le mythe de La Virgen del Pilar (« La Pilarica »)

    Le mythe de La Virgen del Pilar (« La Pilarica »)

     

    La Virgen del Pilar est intimement associée à Santiago de Compostela, deux mythes fondateurs, « piliers » de la reconstruction du Catholicisme espagnol, après la Reconquête.

     

    Voyons d’abord son histoire catholique officielle.

    Après la mort et la résurrection du Christ, en l’an 40, la Vierge Marie enjoignit à l’apôtre Saint Jacques de partir évangéliser l’Espagne. Ce dernier débarqua pour cela dans les Asturies, puis se dirigea vers la Galice. N’ayant réussi à faire qu’un baptême, il décida de repartir.

    A Zaragoza, il baptisa seulement huit hommes.

    Désespérant de faire mieux, il tomba en prière sur les bords de l’Ebre, avant de s’endormir.

    Il entendit alors des anges qui chantaient « Ave María purísima… ». Il en resta prostré et vit un pilier de marbre (ou de jaspe) sur lequel la Vierge était debout, en chair et en os, alors qu’elle était encore vivante en Palestine. Elle lui déclara qu’à cet endroit même il devrait édifier un temple, et que cette colonne y resterait jusqu’à la fin des temps.

    Encouragé par ces paroles, Santiago édifia donc un temple à cet endroit, la première église au monde consacrée à la Vierge Marie.

     

     

    Des doutes.

    Dans cette version « officielle », des questions se posent, et apparaissent des anachronismes !

    Par exemple, ou bien le GPS de Santiago était mal programmé, ou bien il n’en avait pas car, venant de Palestine pour l’Espagne, débarquer aux Asturies ne semble pas très logique, à une époque où le commerce méditerranéen était prospère !

    Mais, si on y regarde de plus près, on pense à ce mystérieux peuple venu de l’Atlantique, les « Pélasges » qui ont débarqué sur tout l’ouest européen, ou bien à Priscilien, ce Chrétien hérétique, évêque d’Avila, revenant de Bordeaux où il avait convoqué un Concile, et qui fut après sa mort, transformé en Santiago de Compostela… Autre mythe !

    Ce catéchisme est fondé sur deux textes qui datent respectivement du IVe (hypothétique), et du XIIIe Siècles.

    Et le cantique « Ave María purísima… » ? Les paroles en sont tirées de versets des Evangiles, écrits seulement à partir de l’an 60 après J.-C…

    Par ailleurs, rien ne prouve que Saint Jacques ait voyagé en Espagne ; de nombreux indices montreraient plutôt le contraire…

     

    Tentons de reconstituer une Histoire plus authentique.

    La Virgen del Pilar trône actuellement dans la basilique qui porte son nom, sur la rive droite de l’Ebre.

    Comme tous les grands monuments religieux anciens, l’édifice se trouve sur l’emplacement d’un temple païen bien antérieur à J.-C., dédié à la Déesse Mère des « Sedetanos », peuple pré- celtique qui y vivait alors.

     

    Son évolution a été intimement liée à celle du mythe de la Virgen del Pilar, et réciproquement.

     

    Les Romains fondèrent la ville de Caesaraugusta en 14 avant J-C., et ils érigèrent des temples pour recouvrir ceux de la civilisation précédente et y implanter leur culte.

    Les Wisigoths arrivèrent dans la région vers 380 et, à partir de 472 (époque de la chute de l’Empire romain) ils prirent possession de Caesaraugusta où ils édifièrent des temples ariens, puis catholiques.

    En 714, les Musulmans s’emparèrent de la ville qu’ils nommeront Saraqusta. Ils pratiquèrent d’abord la dhimmitude, puis construisirent des mosquées, dont la principale, bien sûr là où se trouvait l’église wisigothique.

    Ils seront chassés par Alfonso I el Batallador, roi d’Aragon, en 1118.

    A peine un an plus tard, l’évêque de Zaragoza, Pedro de Librana, prit possession de la grande mosquée qui sera reconvertie en cathédrale, siège de l’Episcopat, d’où son nom la « Seo » de San Salvador, de « sedes » (le siège) en latin. L’année suivante, sera instituée un fête commémorative de l’événement, un 12 octobre. Tiens, le même jour que la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb ! Pure coïncidence fortuite ?

     

    Presque deux siècles plus tard (1299), apparaît le premier texte aujourd’hui conservé, hypothétiquement une reprise d’un écrit du IVe Siècle, où figure explicitement la  « Virgen del Pilar ».

     

    C’est qu’après sept siècles d’islamisation, il convenait de reconvertir les populations et, pour ce faire, quoi de mieux que la création d’un mythe fédérateur —tout comme celui de Santiago de Compostela—, qui convaincrait les foules, attirerait les pèlerins, et aussi de l’argent !

     

    La statue de la Vierge date d’environ 1435. Elle est de style gothique tardif, et serait l’œuvre de Juan de la Huerta, sculpteur d’images religieuses. Elle a 36 cm de haut, soit la taille habituelle des Vierges Noires (la « coudée égyptienne »).

    Elle possède aujourd’hui une impressionnante quantité de « mantos » (sortes de capes) de diverses couleurs qui, curieusement, ne couvrent que le pilier, et qui sont régulièrement changés, selon un rituel compliqué.

     

    En 1642 eut lieu le « Miracle de Calanda » : grâce à l’intercession de la Virgen del Pilar, un unijambiste vit sa jambe amputée repousser ! Ce miracle, fortement contesté était pourtant le bienvenu : une piqûre de rappel à l’époque de la Contre Réforme !

    C’est à cette occasion-là que la Vierge fut proclamée Sainte Patronne de la ville. 

    L’édification de la Seo que l’on peut actuellement contempler a suivi l’évolution du culte à la Virgen del Pilar, et de ses diverses « promotions ».

    Progressivement, la mosquée a été détruite, jusqu’à ne plus laisser pratiquement rien en place.

    Les travaux ont commencé en 1681 et se sont terminé en 1718. D’autres modifications ont suivi.

     

    Mais, la plus célèbre convocation de notre Vierge eut lieu à partir de l’arrivée de Napoléon en Espagne, en 1808. Une chanson, encore très vivante aujourd’hui fut composée pour combattre cette nouvelle invasion, très explicitement :

    La Virgen del Pilar dice

    que no quiere ser francesa,

    que quiere ser capitana

    de la tropa aragonesa.

    […]

    Aunque vengan más franceses

    que arenas tiene la mar,

    no moverán de su sitio

    a la Virgen del Pilar.

    La Vierge du Pilier dit

    Qu’elle ne veut pas être française,

    Qu’elle veut être capitaine

    De la troupe aragonaise.

    […]

    Même s’il vient plus de Français

    Que de grains de sable de la mer

    Ils ne déplaceront pas

    La Vierge du Pilier.

     

     Extraits du film « Agustina de Aragón, de Juan de Orduña (1950)

     

    En 1905, la Virgen del Pilar a été canonisée, et en 1908, le roi Alfonso XIII lui a accordé le titre de Capitán General (Commandant en Chef d’une Région militaire), avec tous les insignes correspondants !

     

    En 1940, grande époque franquiste, fut célébré comme il convenait au Catholicisme pur et dur de l’époque, le XIXe Centenaire de son apparition à Santiago.

    Et nous en arrivons à Franco.

    On sait que le Dictateur eut une agonie particulièrement longue et difficile, marquée par un acharnement thérapeutique sans limites.

    Lorsque tout sembla perdu, l’archevêque de Zaragoza apporta un « manto » de la Virgen del Pilar qui fut déposé sur le corps du mourant qui était peut-être encore conscient, si bien qu’il eut une réaction assez positive. Mais le miracle n’a pas eu lieu…

    Aujourd’hui, la Vierge du Pilier est la Sainte Patronne, de Zaragoza, d’Aragon, de l’Hispanité et aussi de la Garde Civile, et de multiples autres entités, sans compter certains pays d’Amérique Latine…

    Mieux, la « Division Azul », groupe ultra fanatique qui combattit aux côté des Nazis, s’en est emparée.

    Enfin, cerise sur le gâteau, depuis 2015 une « appli » téléchargeable permet de changer à volonté la couleur de son « manto », suivant le rituel de la Seo !

     

    Si on est en droit de s’indigner des falsifications perpétrées par l’Eglise, peut-on se moquer des simples fidèles qui y ont trouvé un sens à leur vie et du réconfort ?

    Le malheur, c’est qu’à notre époque où ces mythes ne fonctionnent plus, on n’a rien inventé pour les remplacer…

    Daniel D.

     


  • Commentaires

    1
    Zaza
    Vendredi 7 Octobre 2022 à 22:53
    Finalement la manipulation du peuple existe depuis le commencement des temps et perdure encore aujourd'hui Quand va t on se réveiller Je suis en voyage à Saragosse et je peux vous affirmer que le mythe est bien toujours présent Merci de cet éclairage
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