• Atelier de lecture du 18 janvier 2018

    Chère Martine,

    J'ai été très touchée par votre message et je vous en remercie chaleureusement. C'est une joie de voir mon livre aussi bien reçu et compris. Que cette histoire d'un vieux solitaire - écrite dans la solitude de  mon bureau ! - rencontre de tels lecteurs, je ne peux rien souhaiter de mieux.

      Comme vous, je suis totalement imprégnée de l'Espagne, ce pays auquel les Républicains exilés ont dû s'arracher et je vous dis bravo pour votre action culturelle  à travers La Tertulia.

    Bien sûr, si je passe à Villeneuve  sur Lot, ou dans les environs, je ne manquerais pas d'aller vous voir, promis!

    Bien sincèrement à vous

     Y  un saludo a todos los amigos de La Tertulia.


    Carine Fernandez

     Voici donc en introduction le mail que m’a renvoyé Carine Fernandez faisant suite à celui que je lui avais transmis. C’est une très belle réponse qui suscite vraiment l’envie d’une rencontre future. Alors peut-être un jour ?...... Ce compte-rendu commence donc par les avis de son roman :

     

    « Mille ans après la guerre » Carine Fernandez

     L’avis de Marie-Lou :

     Medianoche et Mediodia, deux jumeaux, vivent dans un petit village d’Extremadure quand éclate la guerre civile. En 1938, Mediodia le bon vivant se fait arrêter et fusiller avec toute la jeunesse républicaine du village, il n’a pas 18 ans ! Son frère jumeau, le héros du livre, a la chance de s’en sortir, momentanément, car il était chez le maréchal ferrant pour la mule. Il se cache quelques mois dans la montagne mais dès qu’il redescend au Pueblo il est pris à son tour et fera le tour des camps de travaux forcés du pays jusqu’en 1948 où il sera libéré. Toute sa vie sera habitée par la présence de son frère jumeau, cette moitié de lui-même qui lui manque tant ! Aujourd’hui il vit seul avec son chien et voilà qu’il décide de revenir au pueblo de sa jeunesse, à l’endroit où a commencé son malheur !...Il voyage dans une Extremadure qu’il ne reconnait plus dans ses paysages, à la recherche d’anciens lieux, d’anciens visages (amis ou ennemis, se demande-t-il en les voyant), il nous explique l’histoire côté Rouge, bien entendu :

     

    La position stratégique de l’Extremadure divisée en deux avec la poche de la Serena et de la Siberia qui résistèrent jusqu’au bout.

     

    La haine historique des communistes envers les anarchistes.

     

    La « vérité » que l’on ne connaitra jamais sur la mort du leader anarchiste mythique Buenaventura Durutti.

     

    La terrible désillusion à la libération de la France, une fois le nazisme renversé : après Paris, Berlin, il y avait Madrid !

     

    Negrin, « Le Planqué », chef du gouvernement espagnol en exil, luxueusement installé à Paris.

     

    Le massacre de Badajoz les 14 et 15 juillet 1936 par le général Yagüe «  le boucher de Badajoz », 4000 personnes, hommes, femmes et enfants massacrés en deux jours dans les arènes.

    Et puis dans ce roman, on nous parle aussi des artistes espagnols :

     

    Le philosophe Unamuno à Salamanca défiant la Phalange et à qui le chef de celle-ci dit : « Muerte a la inteligencia ! Viva la muerte ! » le 12 octobre 1936 dans le temple de l’intelligence, l’Université de Salamanca.

     

    Le poète Garcia-Lorca assassiné à Grenade : » On lui a mis deux balles dans le cul à ce pédé ! »

    On n’oublie pas les grands peintres espagnols et dans une scène particulièrement réussie du livre (il s’agit de la visite du musée du Prado) Medianoche, avec sa liberté tout juste retrouvée à Madrid, découvre à sa façon très personnelle, très imprégnée du passé dont il ne parvient pas à se défaire, découvre donc Zurbaran, le Greco, Goya…. On apprend aussi que le directeur du musée du Prado nommé pendant la République était un certain Pablo Picasso. Le livre se termine, Medianoche peut partir. Le passé n’existe plus, avec le village il a été englouti par les eaux du Guadiana. Un nouveau décor est planté : un lac (comme un bleu linceul), de nouveaux personnages, des maisons neuves, un bar…..la vie continue !!!

     

    L’avis de Maria :

     Miguel, un vieil homme, quitte sa maison, fuyant l’arrivée redoutée de sa sœur, pour rejoindre la région où il est né : l’Extremadura, en compagnie de son chien son ami et confident : Ramón. Revenu dans son pays englouti par les eaux d’un barrage, des pans entiers de sa jeunesse surgissent. Dans un style agréable à lire, Carine Fernandez revient sur les années les plus noires qu’ait connu l’Espagne, tout en nous faisant vivre le voyage intérieur de Miguel qui peut enfin se libérer du passé.

     

    L’avis de Françoise H. :

     Medianoche en fuyant l’arrivée de sa sœur qui promet de troubler la torpeur et le confort qu’il s’était ménagé depuis la mort de sa femme, entreprend un retour vers le passé accompagné de son chien Ramón. Cet animal auquel il est très attaché lui permet de supporter son isolement. Il entreprend alors un voyage en Estrémadure, sa région d’origine où il a vécu les années de la guerre et où son frère a été assassiné par les nationalistes après une rafle dans le village. Depuis, il porte en lui la culpabilité du survivant. Son séjour dans le village reconstruit près des ruines du premier englouti sous le lac de barrage créé par Franco, lui permet de réfléchir à son passé, de l’accepter et de regarder enfin le présent. Ce roman parle avec justesse et clarté de l’amitié qui rend supportable toutes les souffrances, de l’amour rendu impossible par la conscience d’appartenir à des classes sociales différentes, de l’Espagne franquiste puis de l’Espagne actuelle où les descendants de ceux qui se sont affrontés cohabitent maintenant et font évoluer ce pays devenu bien différent jusque dans ses paysages.

     

    L’avis de Martine :

     Miguel, alias Medianoche, est un vieux retraité à la gueule tordue, qui vit seul avec son chien dans une cité ouvrière de Madrid où il a passé quarante ans. Une lettre de sa sœur, l’avisant que devenue veuve elle souhaite venir habiter avec lui, le pousse à fuir et à entreprendre un voyage en Estrémadure pour y retrouver son village natal. Mais, là-bas, rien ne ressemble à ce qu’il a connu, son village est enfoui sous les eaux d’un grand lac, et même la végétation n’est plus la même. Il séjourne donc dans un autre village : Castilblanco. Ce voyage réel s’accompagne aussi d’un cheminement intérieur poignant et douloureux, un retour sur son adolescence où il était inséparable de son frère jumeau : Mediodia, arrêté et fusillé à presque dix-huit ans par les nationalistes sous le prétexte d’avoir vandalisé une église. Cette mort dramatique va hanter Medianoche toute sa vie. Même s’il n’était pas présent au moment des faits, il sera arrêté et fera comme il dit : « du tourisme carcéral », notamment dans le terrible camp de Castuera en Estrémadure. Il y connaîtra une magnifique amitié et enfin libéré ira à Madrid où il rencontrera un bel amour qu’il refusera, enfermé dans sa condition sociale. J’ai beaucoup aimé ce livre. Le personnage de Miguel, marqué par la culpabilité du survivant est très émouvant. La guerre d’Espagne avec ses atrocités, ses vies brisées, ses disparus y est largement évoquée, bien qu’après sa fin elle ait provoqué dans le pays une amnésie générale ou citée seulement sous le mot « aquella ». L’écriture est parfois rude mais aussi savoureuse (cf : la visite du musée du Prado), et aussi très évocatrice : on voit, on ressent l’Estrémadure. Ce roman a été un vrai plaisir de lecture.

     

    Carine Fernandez a publié plusieurs romans chez Actes Sud. Longtemps expatriée au Moyen Orient et aux Etats-Unis, elle vit actuellement à Lyon. Pour en savoir plus sur son parcours et son œuvre il faut consulter son site très bien documenté.

     

    « Lettres de mon enfance » Emma Reyes

     L’avis de Janine :

     Emma Reyes est née à Bogota en 1919 et décédée à Bordeaux en 2003. Elle fut une artiste au destin fulgurant. Orpheline, élevée dans un couvent de la capitale colombienne, elle est devenue une peintre de renommée mondiale proche de Frida Kalho et de Diego Rivera qu’elle a fait connaître. En France, où elle a vécu à partir des années soixante, elle a contribué à faire émerger sur la scène artistique une génération entière d’artistes sud-américains. Chevalier des Arts et des Lettres, Emma Reyes laisse derrière elle une œuvre exceptionnelle. Elle était également une conteuse.

    « Lettres de mon enfance » est le récit de vingt-trois lettres inédites adressées à son ami German Arciniegas entre 1969 et 1997 qui racontent son enfance très dure de manière non misérabiliste, mais parfois cocasse, à travers les souvenirs d’une petite fille à l’imagination débordante. Emma et sa sœur Hélène de deux ans son aînée, filles illégitimes, orphelines, ont d’abord été élevées par une prénommée Maria de façon très dure ( corvées d’eau, de pots de chambre…) pour de très petites filles. Au cours d’un déménagement, raconté de manière très drôle, les petites filles étant sur le dos de deux Indiens folkloriques arrivent en retard à la gare et Maria est partie, les abandonnant. Elles sont alors placées dans un couvent pour enfants, elles ont 5 et 7 ans. Les règles y sont très dures, le travail qu’elles fournissent aussi. Emma et Hélène sont inséparables, Hélène protège sa petite sœur. Elles ne voyaient jamais personne de l’extérieur et ignoraient tout du monde. Les sœurs leur inculquaient le péché, l’adoration de Dieu, de la vierge Marie et la crainte du diable. Tout cela faisait partie de leur quotidien avec des punitions très sévères à la clé. Dans cette ambiance rigoureuse se démarque la présence de Carmelita qui n’est pas religieuse, haute en couleurs et à l’histoire vraie. L’arrivée d’une petite nouvelle fascine un groupe de petites filles avec une petite figurine «  Tarrarrurra » qui leur raconte tout ce qui se passe dans le monde et qu’elles croient vivantes. Cette petite nouvelle est renvoyée, traitée de folle et meurt noyée en voulant récupérer sa figurine tombée dans la rivière. Emma est très perturbée par cette annonce et refait pipi au lit, ce qui lui vaut de nombreux châtiments. Ainsi les années s’écoulent et Emma devient la meilleure brodeuse ce qui l’élève à s’occuper de l’aube du pape (qui ne sera pas finie). Par la suite elle travaille auprès de la sacristaine et un jour elle lui vole la clé du portail et s’enfuit, quitte Bogota. Elle ne sait ni lire ni écrire, elle a 19 ans.

    C’est son ami German Arciniegas qui raconte par la suite ses voyages ( Buenos Aires, Montevideo) ainsi que dans la jungle du Paraguay où les guérilleros ont tué son fils. A Buenos Aires, elle gagne le concours international de peinture dont le prix est un voyage à Paris. Sur le livre d’or est inscrit le nom de Picasso. Emma vit à Washington, à Mexico et peint toujours beaucoup. Puis elle s’installe en France à Périgueux avec Jean, son médecin, le grand amour de sa vie, qui deviendra son mari.

    Lettres de mon enfance est un roman inachevé, lu uniquement par Gabriel Garcia Marquez. Il fut publié en 2012 et il est devenu un classique, traduit dans le monde entier.

    L’histoire de cette petite fille cloitrée, maintenue dans la plus grande ignorance du monde, de la culture, mais dotée malgré tout d’un imaginaire extraordinaire, débarquant dans la vie à l’âge de 19 ans m’a passionnée. J’aurais aimé en savoir un peu plus sur la transition et la construction de cette femme, devenue peintre célèbre.

    Emma Reyes commence à peindre en 1943. De ses pérégrinations apparaissent différentes séries.

     

    « Tours et détours de la vilaine fille » Mario Vargas Llosa

     L’avis de Maria :

     C’est l’histoire d’un « amour » qui devient une obsession un peu lassante mais qui parvient à donner envie de finir le livre où se croisent beaucoup d’ambition, de relations destructrices et toujours le retour vers l’homme fidèle et « soumis », obsédé par Lily.

     

    BD « Dolores » Bruno Loth

     L’avis de Maria :

     C’est l’histoire d’un retour sur les origines et la vie de sa mère qui, en maison de retraite semble perdre la tête. Au travers de cette quête, on redécouvre des faits moins connus de la guerre tout en traversant l’Espagne d’aujourd’hui.

    Bruno Loth, auteur de BD français a d’abord travaillé dans la publicité. Ses bandes dessinées, comme «  Ermo » sur la guerre d’Espagne) racontent au travers de personnages souvent fictifs, l’histoire d’un des membres de sa famille lors d’événements qui ont marqué l’Histoire.

     

    BD « Là où se termine la terre » Désirée et Alain Frappier

     L’avis de Maria :

     Au travers de l’enfance et l’adolescence de Pedro, on revit l’histoire du Chili de 1948 à 1970 : la Guerre Froide, la révolution cubaine…et les espoirs qui accompagnent l’élection de Salvador Allende.

    Désirée est journaliste et écrivain. Alain est peintre et illustrateur. Ils travaillent ensemble depuis les années 2000 pour créer des albums. Ce roman graphique est le fruit du témoignage de leur ami Pedro Atias Muños, né à Santiago et exilé en France. Les auteurs ont lancé une participation contributive pour réaliser la suite de ce livre qui nécessiterait de s’immerger plusieurs mois au Chili.

     

    « Une offrande à la tempête » Dolores Redondo

     L’avis de Françoise L. :

     Troisième livre de la trilogie du Batzan. Dans cette vallée, une petite fille décède, étouffée dans son berceau. Une pression a été appliquée sur le visage du bébé. Alors que la police soupçonne le père d’être impliqué, la grand-mère attribue ce meurtre au génie maléfique INGUNA, issu de la mythologie basque. Rapidement cet étrange décès lève le voile sur une série de morts subites et suspectes de nourrissons. L’inspectrice Amalia Salazar décide de se consacrer entièrement à cette nouvelle enquête, au risque de mettre de côté son rôle de mère. Cette enquête la renvoie à sa propre histoire.

    De nouveau on est emporté dans le pays basque espagnol. On est frappé par le rythme énergique de la narration ainsi que par les rebondissements. On s’enfonce dans l’histoire sans frein. On est captivé autant qu’éprouvé et l’on veut connaitre la fin.

     


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