• Mille ans après la guerre - Carine Fernandez

    MILLE ANS APRÈS LA GUERRE

    Carine Fernandez

    Edition LES ESCALES

    2017

    Présentation de l'éditeur

    Un autre regard sur la guerre d'Espagne.

    "Miguel est un vieux solitaire, veuf depuis des années, qui n'apprécie que la compagnie de son chien Ramon. Il vit dans une cité ouvrière de la région de Tolède. Un matin, il reçoit une lettre de sa sœur Nuria. Elle a perdu son époux et compte venir vivre auprès de lui. Le vieux est pris de panique : sa sœur chez lui, c'en est fini de sa tranquillité, de son bonheur innocent avec Ramon. Il faut fuir ! Son chien sur les talons, le vieux prend un autocar en direction de l'Estrémadure, où il n'était jamais retourné depuis la guerre civile.
    Montepalomas, le village de son enfance, est enseveli sous les eaux d'un barrage. Pourtant du lac les souvenirs remonteront. Des pans entiers de sa jeunesse belle et terrible, quand on l'appelait Medianoche (" Minuit ") et que vivait encore son frère jumeau, Mediodia (" Midi "). Un frère assassiné par les Franquistes et dont le visage, mille ans après la guerre, hante toujours Miguel. Mais peut-être est-il temps de se libérer du passé...

    Dans un style ample et généreux, Carine Fernandez dessine ce voyage intérieur vers la rédemption, tout en revenant sur les années les plus noires qu'ait connues l'Espagne."

     

    Biographie de l'auteur

    Carine Fernandez, après deux doctorats de lettres, dont une thèse d'Etat sur William Beckford, a écrit plusieurs romans chez Actes Sud : La Servante abyssine (10 000 ex vendus), La Comédie du Caire et La Saison rouge. Elle est également l'auteur d' Identités barbares (JC Lattès, 2014) et d'un recueil de nouvelles, Le Châtiment des goyaves (Dialogues, 2014). Longtemps expatriée au Moyen-Orient et aux États-Unis, elle vit actuellement à Lyon.

    Site web de l'auteur (Pour en savoir plus sur son parcours et son œuvre il faut consulter son site très bien documenté) : http://www.carinefernandez.net/

    Extraits :

    "Le vieux a déjà déchiffré les trois quarts de la lettre, mais la fin le laisse pantois. Son cœur s’emballe à cent à l’heure et il doit s’y reprendre à plusieurs fois pour s’assurer qu’il a bien compris. Nuria a pris la décision de finir sa vie avec son frère, maintenant qu’on peut les dire seuls au monde, pas vrai ? Elle, ses enfants définitivement installés en Allemagne, et lui veuf ; son fils, que Dieu pardonne, suicidé à vingt ans, allez savoir pourquoi. La jeunesse est si bête ! Elle tiendra la maison et s’occupera de lui, il en a bien besoin. Ce doit être une belle porcherie depuis qu’il est livré à lui-même, mais grâce à Dieu, elle y mettra bon ordre.

    La nouvelle terrifiante éclate sur l’avant-dernière ligne : Nuria annonce son arrivée pour le mardi 7 juillet. On est déjà le 5...


    [...]Adieu les cigarettes roulées dans le patio, adieu le patio, adieu les sardines et le pain trempé dans l'huile à même la boîte, adieu la vie légère, adieu Ramón. Ah ! Il s'imagine bien la guerre que sa soeur fera à la pauvre créature ! Elle déteste les bêtes, ne les supporte qu'empaillées sur des étagères.Le vieux a retrouvé la peur qu'il croyait avoir laissée loin derrière lui. Elle ressemble comme deux gouttes d'eau à la terreur de la jeunesse, pendant la guerre, du temps de la servitude des camps. La jeunesse a disparu mais pas la peur, elle est là, dépouillée de ses fantasmes, une vulgaire pétoche de vieillard auquel on veut remettre le carcan.Le vieux se cabre. Non, il échappera !
    À tous les diables la Nuria, ses savates éculées et son ragoût de pois chiches ! Ce n'est pas sa vie qu'il défend, c'est sa liberté.
    Sa liberté a un oeil cerclé de noir et un sourire miraculeux.
    Sa liberté s'appelle Ramón."

    Avis de l'atelier-lecture de la Tertulia :

     Medianoche et Mediodia, deux jumeaux, vivent dans un petit village d’Extremadure quand éclate la guerre civile. En 1938, Mediodia le bon vivant se fait arrêter et fusiller avec toute la jeunesse républicaine du village, il n’a pas 18 ans ! Son frère jumeau, le héros du livre, a la chance de s’en sortir, momentanément, car il était chez le maréchal ferrant pour la mule. Il se cache quelques mois dans la montagne mais dès qu’il redescend au Pueblo il est pris à son tour et fera le tour des camps de travaux forcés du pays jusqu’en 1948 où il sera libéré. Toute sa vie sera habitée par la présence de son frère jumeau, cette moitié de lui-même qui lui manque tant ! Aujourd’hui il vit seul avec son chien et voilà qu’il décide de revenir au pueblo de sa jeunesse, à l’endroit où a commencé son malheur !...Il voyage dans une Extremadure qu’il ne reconnait plus dans ses paysages, à la recherche d’anciens lieux, d’anciens visages (amis ou ennemis, se demande-t-il en les voyant), il nous explique l’histoire côté Rouge, bien entendu :

     La position stratégique de l’Extremadure divisée en deux avec la poche de la Serena et de la Siberia qui résistèrent jusqu’au bout.

     La haine historique des communistes envers les anarchistes.

     La « vérité » que l’on ne connaitra jamais sur la mort du leader anarchiste mythique Buenaventura Durutti.

     La terrible désillusion à la libération de la France, une fois le nazisme renversé : après Paris, Berlin, il y avait Madrid !

     Negrin, « Le Planqué », chef du gouvernement espagnol en exil, luxueusement installé à Paris.

     Le massacre de Badajoz les 14 et 15 juillet 1936 par le général Yagüe «  le boucher de Badajoz », 4000 personnes, hommes, femmes et enfants massacrés en deux jours dans les arènes.

    Et puis dans ce roman, on nous parle aussi des artistes espagnols :

     Le philosophe Unamuno à Salamanca défiant la Phalange et à qui le chef de celle-ci dit : « Muerte a la inteligencia ! Viva la muerte ! » le 12 octobre 1936 dans le temple de l’intelligence, l’Université de Salamanca.

     Le poète Garcia-Lorca assassiné à Grenade : » On lui a mis deux balles dans le cul à ce pédé ! »

    On n’oublie pas les grands peintres espagnols et dans une scène particulièrement réussie du livre (il s’agit de la visite du musée du Prado) Medianoche, avec sa liberté tout juste retrouvée à Madrid, découvre à sa façon très personnelle, très imprégnée du passé dont il ne parvient pas à se défaire, découvre donc Zurbaran, le Greco, Goya…. On apprend aussi que le directeur du musée du Prado nommé pendant la République était un certain Pablo Picasso. Le livre se termine, Medianoche peut partir. Le passé n’existe plus, avec le village il a été englouti par les eaux du Guadiana. Un nouveau décor est planté : un lac (comme un bleu linceul), de nouveaux personnages, des maisons neuves, un bar…..la vie continue !!! Marie-Lou

     

     Miguel, un vieil homme, quitte sa maison, fuyant l’arrivée redoutée de sa sœur, pour rejoindre la région où il est né : l’Extremadura, en compagnie de son chien son ami et confident : Ramón. Revenu dans son pays englouti par les eaux d’un barrage, des pans entiers de sa jeunesse surgissent. Dans un style agréable à lire, Carine Fernandez revient sur les années les plus noires qu’ait connu l’Espagne, tout en nous faisant vivre le voyage intérieur de Miguel qui peut enfin se libérer du passé. Maria

     

     Medianoche, en fuyant l’arrivée de sa sœur qui promet de troubler la torpeur et le confort qu’il s’était ménagé depuis la mort de sa femme, entreprend un retour vers le passé accompagné de son chien Ramón. Cet animal auquel il est très attaché lui permet de supporter son isolement.

    Il entreprend alors un voyage en Estrémadure, sa région d’origine où il a vécu les années de la guerre et où son frère a été assassiné par les nationalistes après une rafle dans le village. Depuis, il porte en lui la culpabilité du survivant.

    Son séjour dans le village reconstruit près des ruines du premier englouti sous le lac de barrage créé par Franco, lui permet de réfléchir à son passé, de l’accepter et de regarder enfin le présent. Ce roman parle avec justesse et clarté de l’amitié qui rend supportable toutes les souffrances, de l’amour rendu impossible par la conscience d’appartenir à des classes sociales différentes, de l’Espagne franquiste puis de l’Espagne actuelle où les descendants de ceux qui se sont affrontés cohabitent maintenant et font évoluer ce pays devenu bien différent jusque dans ses paysages. Françoise H.

     

     Miguel, alias Medianoche, est un vieux retraité à la gueule tordue, qui vit seul avec son chien dans une cité ouvrière de Madrid où il a passé quarante ans. Une lettre de sa sœur, l’avisant que devenue veuve elle souhaite venir habiter avec lui, le pousse à fuir et à entreprendre un voyage en Estrémadure pour y retrouver son village natal. Mais, là-bas, rien ne ressemble à ce qu’il a connu, son village est enfoui sous les eaux d’un grand lac, et même la végétation n’est plus la même. Il séjourne donc dans un autre village : Castilblanco. Ce voyage réel s’accompagne aussi d’un cheminement intérieur poignant et douloureux, un retour sur son adolescence où il était inséparable de son frère jumeau : Mediodia, arrêté et fusillé à presque dix-huit ans par les nationalistes sous le prétexte d’avoir vandalisé une église. Cette mort dramatique va hanter Medianoche toute sa vie. Même s’il n’était pas présent au moment des faits, il sera arrêté et fera comme il dit : « du tourisme carcéral », notamment dans le terrible camp de Castuera en Estrémadure. Il y connaîtra une magnifique amitié et enfin libéré ira à Madrid où il rencontrera un bel amour qu’il refusera, enfermé dans sa condition sociale. J’ai beaucoup aimé ce livre. Le personnage de Miguel, marqué par la culpabilité du survivant est très émouvant. La guerre d’Espagne avec ses atrocités, ses vies brisées, ses disparus y est largement évoquée, bien qu’après sa fin elle ait provoqué dans le pays une amnésie générale ou citée seulement sous le mot « aquella ». L’écriture est parfois rude mais aussi savoureuse (cf : la visite du musée du Prado), et aussi très évocatrice : on voit, on ressent l’Estrémadure. Ce roman a été un vrai plaisir de lecture. Martine


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