• La « Cueva de Montesinos », caverne initiatique ? Daniel D.

    La « Cueva de Montesinos », caverne initiatique ?

    Les plateaux de Castilla-La Mancha sont de véritables steppes grillées et nues : pas étonnant que les Arabes qui, grands observateurs comme les Romains, savaient donner des noms de lieux très judicieux et très « pédagogiques », les aient nommées « la'a Ma-anxa », qui signifie « sans eau » !

    C’est pourquoi la moindre goutte du précieux liquide y semble un vrai cadeau des dieux. Au cœur de ces steppes, quoi dire, alors, des « Lagunas de Ruidera » : une oasis, un paradis ?

    Le touriste pressé les traversera sans doute en trombe, prisonnier des rails de l’autoroute. Dommage !

    Il est des lieux qu’il faut savoir « mériter » ; autrement dit, il faut s’être un peu préparé pour les rencontrer.

    Au cœur de ce monde enchanteur, se cache la « Cueva de Montesinos », qui nous fera plonger dans l’un des plus mystérieux épisodes du Don Quijote.

     

    Lorsque vous serez sur place, vous ne manquerez pas de rencontrer des guides, plus « Sanchos » que « Don Quichottes » qui vous débiteront mécaniquement leur petit boniment, dans un castillan digne de celui de leur maître Sancho Panza, à peu près dans ces termes : « Je vais vous montrer la grotte, telle que le Quichotte la voit dans un joli rêve, avec de l’imagination et de la fantaisie. Sancho lui dit : quelle folie tu vas réaliser ! Tais toi, je vais réaliser une aventure qu’aucune autre personne humaine n’a réussi à réaliser avant moi. » Etc.

    Et il ne manquera pas de vous montrer, en éclairant judicieusement les parois avec sa lampe, la silhouette du mage Merlin l’Enchanteur, et sur la « fameuse pierre traditionnelle », le visage de Don Quichotte, et autres merveilleux personnages encore, tout en glissant dans son discours quelques petites citations, « dans le texte » !

    Inutile de dire que ce n’est pas de ce côté-là qu’il vous faudra chercher...

     

    Et si nous commencions par le début ?

    Il convient, avant toute chose nous rappeler que, dans les œuvres de Miguel de Cervantès, rien n’est gratuit, et que tout est à double, triple sens, ou plus...

    Sur le terrain, la grotte existe bel et bien. Mais, dans la région de Zamora et au Nord Est du Portugal, des lieux portent le même nom... On aura compris que le point géographique n’est ici qu’un prétexte.

    Certes, dans ses pitoyables pérégrinations de collecteurs d’impôts, notre auteur a bien dû croiser cette grotte manchega sur son chemin, mais ce qui semble le plus intéressant, c’est le nom lui-même : Montesinos.

    C’est un très ancien patronyme, d’origine asturienne, très répandu en Espagne. Il semble dériver du substantif latin « montis » (mont) du suffixe « inus » qui indique la provenance. Il serait un peu construit comme « Asturien » en français.

    Mais on connaît l’humour et le goût de Cervantès pour les jeux de mots, parfois complexes (trop !) et tellement recherchés.

    Serait-ce lui faire injure si l’on pensait que « Montesino » c’est aussi « Monte-sino » où « sino » serait le latin « signum », le signe, le destin ? Allez savoir...

     

    Voici donc notre héros Don Quijote qui se prépare à s’enfoncer dans la grotte, devant son compère Sancho horrifié. Il s’y fera descendre par deux comparses, au bout d’une corde.

    Le temps passe, et ceux qui sont restés là-haut s’inquiètent, car il ne répond pas aux appels ! Ils se décident alors à tirer sur la corde, et remontent l’aventurier plongé dans un sommeil si profond qu’ils auront toutes les peines du monde à le réveiller.

    Il sera resté au fond environ une demi-heure.

    Sitôt réveillé, il se met à raconter par le menu les trois journées entières, avec leurs nuits, qu’il a vécues dans le trou.

    Ce qu’il dit paraît tellement invraisemblable que le véritable auteur du livre —selon Cervantès, bien sûr—, Cide Hamete Benengeli, s’empresse de nous indiquer qu’il n’y croit pas lui même !

    « Celui qui traduisit cette grande histoire, à partir de l’original qu’écrivit son premier auteur Cide Hamete Benengeli, dit qu’en arrivant au chapitre de l’aventure de la grotte de Montesinos, il trouva dans la marge, écrites de la main de Hamete lui même, les remarques suivantes.

    « Je ne peux me faire à l’idée, ni me convaincre que soit arrivé, point par point, au valeureux don Quichotte, ce qui est écrit dans le précédent chapitre. La raison en est que toutes les aventures qui ont eu lieu jusqu’ici sont vérifiables et vraisemblables, mais à celle-ci, de la grotte, je ne trouve aucune entrée pour la prendre pour vraie, tant elle s’éloigne des limites du raisonnable. Car penser que don Quichotte ait pu mentir, alors qu’il est le seigneur le plus authentique et le plus noble chevalier de son temps, m’est impossible ; en effet, lui il ne profèrerait pas un seul mensonge même si on le criblait de flèches. Par ailleurs, je considère qu’il a tout raconté selon ce qui est rapporté, et qu’il n’a pas pu élaborer en un temps aussi bref un tel fatras de calembredaines, et si cette aventure paraît apocryphe, je n’y suis pourrien; c’est ainsi que je l’écris, sans la déclarer ni fausse ni vraie. Toi, lecteur, puisque tu es judicieux, fais-toi ta propre opinion, car je ne dois ni ne peux faire plus, sachant qu’au moment de sa fin et de sa mort, on dit qu’il s’est rétracté et qu’il déclara qu’il avait tout inventé, car il considérait que cela convenait et s’ajustait bien aux aventures qu’il avait lues dans ses histoires. »

    Cervantès savait prendre les devants, face à l’Inquisition... Dans le même ordre d’idées, il dit lui-même qu’il se gardera bien de raconter tout ce que son héros a vécu dans ce souterrain !

     

    Des milliers, des dizaines de milliers d’écrits ont été produits à propos de cet épisode ! Qui pourrait les lire tous ?

    Il y a, bien sûr, ceux des littéraires, des docteurs universitaires qui commentent ad libitum, qui font des rapprochements en littérature comparée, qui paraphrasent, qui élucubrent et jargonnent : il faut bien gagner sa croûte et maintenir les rentes de situation...

    Il y a toute la ribambelle des psys et autres poètes farfelus qui glosent, etc. !

    Chacun propose, sans doute, une part de vérité capable d’ouvrir des horizons utiles.

    Pour ma part, je considère que Cervantès est trop sérieux —son humour si profond le prouve abondamment—, que son expérience vécue a été trop dure, son solide esprit trop équilibré, son savoir et son désir de le transmettre trop grands, pour qu’il se soit limité à ça !

    C’est pourquoi je penche pour une approche ésotérique de cet épisode qui, plus encore que tout le reste de l’œuvre, est un véritable parcours initiatique. Celui, sans aucun doute, d’un Initié lui-même.

    Etant d’origine juive —ses ancêtres avaient été persécutés par l’Inquisition—, tout tend à prouver qu’il avait conservé, sinon la religion elle-même, au moins toute la culture qui l’accompagne, et qu’il connaissait parfaitement la Kabbale dont il s’inspire clairement.

    Il savait cacher les allusions à cette culture dans les moindres recoins. Par exemple, lorsqu’au début de son œuvre, il présente Don Quichotte, qui est un peu son double, il évoque son menu de la semaine. Le samedi, nous dit-il, il mangeait un plat nommé « duelos y quebrantos ». Dans toute la littérature, c’est la première fois qu’apparaît ce nom, comme si Cervantès l’avait inventé spécialement pour l’occasion. Il s’agit d’une préparation faite à la poêle, à base d’œufs, de chorizo et de lard. Apparemment, rien de particulier, dans un milieu rural plutôt modeste.

    Or, si on s’intéresse au sens de ces mots, on obtient « deuils » ou « douleurs » pour le premier, et « ruptures » ou « fractures » pour le second. Quels deuils et quelles ruptures ? Eh bien, tout simplement, ceux de quelqu’un qui était obligé d’enfreindre le Shabbat, pour ne pas se trahir. Et c’étaient bien là des « ruptures » et des « deuils »...

     

    Dans l’épisode de la grotte, nous avons tous les composants de la cérémonie initiatique, depuis le lieu symbolique, jusqu’à l’état final de catalepsie, en passant par les trois jours de rigueur. Souvenez-vous des trois jours que le Christ, selon les Evangiles, a passés « aux enfers » —inferna—, ce qui signifie « sous terre ».

    Don Quichotte a rencontré ou vu dans son voyage souterrain des dizaines de personnes qui sont dans « une autre dimension », « enchantés », comme il le dit. Ils sont là, et ils attendent ; ils sont comme dans une espèce de lieu de transit, et dans l’espoir que quelqu’un les en sorte. En l’occurrence, ce sera don Quichotte qui pourra le faire, par les pénitences qu’il s’infligera. Ils sont comme « La Belle au bois dormant », dans l’attente de leur Chevalier.

    Quel est le but de la démarche ?

    Comme dans toute initiation, il y a trois étapes : déstructuration, apprentissage, reconstruction. Le « vieil homme » meurt et le nouveau se construit. Rien ne sera plus jamais pareil, après.

    Les premières paroles de don Quichotte à son réveil sont celles-ci : « —Que Dieu vous le pardonne, amis, car vous m’avez privé de la plus savoureuse et agréable vie, et d’une vue qu’aucun humain n’a jamais vue ni connue. En effet, je viens de prendre connaissance de ce que touts les contentements de cette vie passent comme l’ombre et le rêve, ou fanent comme la fleur des champs. »

    On est loin du vulgaire sommeil, même du plus constructif :

    Soudain, et sans l’avoir cherché, j’ai été assailli par le plus profond sommeil, et alors que j’y pensais le moins, sans savoir pourquoi ni comment, j’en suis sorti et je me suis trouvé au milieu de la plus belle, de la plus agréable et de la plus plaisante prairie que puisse faire naître la nature ni que pourrait imaginer la plus habile imagination humaine. Je décollai mes yeux, me les frottai, et je vis que je ne dormais pas, mais au contraire, que j’étais réellement éveillé.”

    Il s’agit bien là d’une transe hypnotique, soudaine, irrépressible, et qui fait passer le « dormeur » de l’autre côté de la lumière.

    Les symboles abondent dans cette grotte, par exemple le chiffre 9, qui est celui des Templiers, la grotte qui est l’inconscient, etc..

    Et puis, ce sépulcre : « Le vénérable Montesinos me fit entrer dans le palais de cristal où, dans une salle basse, d’une excessive fraîcheur, et toute d’albâtre, se trouvait un sépulcre de marbre, fabriqué avec une maîtrise extrême, sur lequel je vis un chevalier étendu de tout son long, non pas en bronze, ni en marbre, ni en jaspe, comme il y en a d’habitude dans d’autres sépulcres, mais de véritable chair et de vrais os. Il avait la main droite (qui à mon avis est bien poilue et nerveuse, ce qui montre une grande force chez son propriétaire) posée du côté du cœur ».

    Il faudrait savoir décoder tout cela, mais ce « sépulcre » au fond d’une crypte glacée, fait carrément penser à l’Arche de l’Alliance. Et cette main gauche, posée sur le cœur, n’est-elle pas un signe de reconnaissance chez les Initiés ?

    Un clin d’œil encore. Un commentateur, lu sur le Net, rappelle que don Quichotte est descendu dans la grotte à une profondeur « d’environ douze ou quatorze brasses ». Et il fait remarquer qu’entre douze et quatorze, se trouve le nombre 13 : une pauvre lapalissade direz-vous!

     

    Eh bien non, car notre commentateur fait remarquer aussi que chez les Francs Maçons, le treizième degré de l’initiation est symbolisé par la descente de l’impétrant dans un trou, à l’aide d’une corde tenue par deux personnes. 

    La médaille de l’Ordre en fait foi.

     

    La « Cueva de Montesinos », caverne initiatique ? Daniel D.

    Autour de cette médaille, on peut lire « R.S.R.S.T.P.S.R.I.A.J.S. » , qui se décline ainsi : « Regnante Salomone Rege Sapientisimo Thesaurum Pretiosissimum Sub Ruinis Invenierunt Adonhiram Johaben Stolkin. » et qui peut se traduire par : Durant le règne de Salomon, roi très sage, Adonhiram, Johaben et Stolkin trouvèrent sous les ruines un très précieux trésor. Année 2995 d’Enoch.

     On se perd en conjectures...

    Parlez-en aux guides locaux, lorsque vous les rencontrerez !

    Et je ne saurais mieux conclure que par les mots de Cervantès lui-même : «Toi, lecteur, puisque tu es judicieux, fais-toi ta propre opinion. »

     


  • Commentaires

    1
    Vendredi 28 Mai 2021 à 07:29
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