• L’imbroglio des monnaies de la Guerre Civile

    L’imbroglio des monnaies de la Guerre Civile

    L’imbroglio des monnaies de la Guerre Civile

    Almuñécar, « Mercadillo de los domingos »

    Le « Petit Marché du dimanche », à Almuñécar est comme tous les autres : de bonnes et de mauvaises affaires, plein de surprises en tous les cas.
    C’est ainsi qu’est apparue, au milieu d’un lot de monnaies romaines achetées en vrac, une intruse, indiscernable au premier coup d’oeil car, bien que de 2.000 ans plus « jeune », elle était aussi oxydée que les autres !

     

    L’imbroglio des monnaies de la Guerre Civile

    L’imbroglio des monnaies de la Guerre Civile


    Rassurez-vous, elle vaut à peine 1 euro sur le marché numismatique, et là n’est pas son intérêt.
    1937 ; la République espagnole ; la Guerre Civile. Qui n’est pas interpellé par ces événements ?
    Arrivée jusqu’à nous par hasard, cette modeste petite monnaie nous invite à retrouver son histoire.
    Ce qui ne devait être qu’un facile et rapide coup d’état—croyaient les généraux rebelles— se transforma en une terrible guerre civile qui allait durer du 18 juillet 1936 au 1er avril 1939 !

    Octobre 1937, l’Espagne est coupée en deux, du Nord au Sud, et le territoire républicain est déjà bien plus petit que l’autre.
    Ce sont « deux Espagnes » qui s’affrontent, et l’on ne pense que très rarement à la question à la fois très fortement symbolique et humblement quotidienne de la monnaie qui court dans les mains de chacun de nous.
    C’est ce que nous allons essayer de voir. Depuis la nuit des temps numismatiques, la monnaie a au moins deux
    fonctions fondamentales : sa valeur d’échange financier et son rôle politique de propagande.

    L’imbroglio des monnaies de la Guerre Civile

       

    Nous connaissons encore aujourd’hui les visages des Empereurs romains mieux que ceux de nos propres ancêtres, car nous en avons des portraits d’une étonnante fidélité, portraits que tous les citoyens avaient chaque jour dans la main et sous les yeux, à l’époque. Pas besoin de photographies ! Nous connaissons aussi leurs emblèmes, leurs slogans, etc.
    Bref, mieux que « Facebook » !

    La première chose que fait un individu ou un groupe qui prend le pouvoir, c’est de battre monnaie le plus tôt possible, privilège rare !
    C’est le cas du nouveau Roi Felipe VI, sacré le 19 juin 2014, et dont les premières effigies monétaires sont apparues dès le mois de novembre.

     

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    Dans un premier temps de la Guerre Civile, les Républicains continuèrent à utiliser la monnaie circulante, et légitime, de la II République, mais dès 1936, chacun des camps adverses comprit que le conflit allait durer longtemps et, sur le plan monétaire, la première mesure prise fut d’interdire l’usage des monnaies du camp adverse : il fallut donc en frapper rapidement de nouvelles de chaque côté d’une frontière par ailleurs bien indéfinissable ! Mais la guerre, ça coûte cher ! Ni l’URSS qui aidait les Républicains, ni l’Allemagne hitlérienne qui aidait les Franquistes ne faisaient cadeau des
    armes, des munitions et autres produits indispensables... Les métaux précieux se mirent à manquer, et même les métaux moins nobles.
    Le 3 novembre 1936, le Gouvernement républicain ordonna a chaque citoyen de lui remettre tous les objets en or qu’il possédait en pièces de monnaie ou sous une autre forme. Tout cet or fut fondu, puis envoyé « à l’abri » à Moscou, d’où semble-t-il, —la controverse est encore très dure à ce sujet— il ne revint jamais...
    Le 17 mai 1937, ce fut le tour de l’argent. A cette occasion, le Gouvernement expliqua qu’il s’agissait de le fondre pour frapper de nouvelles monnaies, et qu’en attendant, on donnerait à chacun en échange, des billets provisoires de 5 et 10 pesetas garantis par la Banque d’Espagne.
    L’argent serait rendu aussitôt. Vous devinez la suite ?
    Pour mieux comprendre la situation, nous dirons le pouvoir d’achat d’une peseta en 1937 était celui de 1,5 à 2 euros d’aujourd’hui, c’est à dire que les billets émis équivalaient l’un à environ 8 / 10 euros, et l’autre au double. Les fonctionnaires et autres employés de l’Etat furent désormais payés avec ces billets, et les anciennes petites coupures n’avaient plus cours.
    Imaginez maintenant que vous achetez un pain qui vaut quelques centimes : avec quoi le commerçant va-t-il vous rendre la monnaie ?

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    La « rubia »

     Face à cette situation, le Gouvernement républicain fit frapper des pièces, l’une de 1 peseta, et l’autre de 2.
    Celle de 1 peseta, de 1937, est la plus emblématique de toutes.
    En effet, c’est la première monnaie fiduciaire frappée en Espagne, c’est à dire, comme l’indique le mot « fiduciaire », qu’elle n’était cotée que sur la base de la bonne foi, de la confiance ou de la croyance que l’on avait en sa valeur. En effet, elle n’était appuyée sur aucun équivalent or par la Banque d’Espagne, qui n’en avait plus un seul gramme !
    Elle fut réalisée dans un modeste métal, le seul que les Républicains pouvaient offrir, le laiton !
    Mais l’humour du peuple a toujours le dernier mot : en raison de sa couleur, elle fut surnommée « la rubia » («la blonde», en plus, avec les cheveux défaits) —et l’on sait combien les blondes faisaient fantasmer les Espagnols de l’époque...—. Mieux, on en fit le symbole des trois principaux vices des hommes : l’argent, les femmes et le vin !
    Mais, malgré l’apparition de cette pièce magnifique, les problèmes quotidiens ne furent pas résolus... Un inextricable chaos monétaire s’installa alors !

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    L’imbroglio des monnaies de la Guerre CivileMonnaies de fabrication locale


     Chaque ville, chaque village, entité industrielle ou commerciale, etc., édita ses propres monnaies, plus hétéroclites les unes que les autres, et dont la validité était restreinte à leur aire d’émission.

    Les pièces étaient frappées avec les moyens du bord, et les matériaux utilisés pouvaient être de la simple tôle, du celluloïd ou du carton. Idem pour les billets.
    Le Gouvernement républicain lui-même alla jusqu’à éditer des objets étranges, constitués de simples rondelles de carton sur lesquelles étaient collés des timbres postes, et qui avaient la valeur faciale du timbre...
    Côté franquiste, ce fut à peu près la même chose, avec en plus la difficulté qu’ils ne disposaient pas d’ateliers de frappe de pièces de monnaie.

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    Ce triste bricolage dépanna sans aucun doute beaucoup de citoyens.
    Mais le revers de la médaille —c’est le cas de le dire— fut la contrefaçon, le bonheur des faussaires et, maintenant, le casse-tête des collectionneurs.
    Et il y eut pire : plus aucun pays n’accepta désormais la monnaie espagnole...
    Revenons à notre petite pièce de 5 centimes.
    Face à la difficile question pratique des petites coupures, le Gouvernement républicain frappait des monnaies ayant une valeur de plus en plus réduite.
    Au début de l’année 1937, il décida de lancer une pièce de 25 centimes, puis une de 10 et enfin celle-ci, de 5. Tout était prêt, les machines, les maquettes et les coins pour la frappe.

    Mais l’ennemi commençait à encercler Madrid, et le Gouvernement dut se replier sur Valence où l’on imprima des billets.
    Suite à une nouvelle progression des franquistes, les ateliers de frappe des monnaies durent se replier à Castellón, puis
    finalement sur la petite ville d’Aspe, près d’Alicante.
    Et la frappe ne put avoir lieu que fin juillet 1938  !

    L’imbroglio des monnaies de la Guerre Civile

       

    Cette pièce de 5 centimes est sans doute la dernière qui ait été frappée par le Gouvernement républicain, en modeste ferraille qui rouille.
    Et il lui restait à peine 8 mois à vivre...
    Émouvante, non, notre petite pièce ?

    Daniel D.


  • Commentaires

    1
    abeilleecureuil
    Dimanche 20 Mai 2018 à 18:22

    Bonjour,

    Quels sont les livres (si possible en Français )qui traitent du sujet des monnaies et billets de la guerre Civile Espagnole .

    je vous remercie par avance

    cordialement

    2
    Daniel
    Lundi 21 Mai 2018 à 07:25

    Bonjour Abeilleécureuil,

     

    Malheureusement, je ne connais pas de livre en tant que tel sur le sujet...

    J'ai travaillé à partir d'articles de journaux, d'études historiques publiées sous forme d'articles, etc., en espagnol.

    Bien cordialement.

      • abeilleecureuil
        Lundi 21 Mai 2018 à 10:56

        Merci Daniel,

        Je vais rechercher un ou des livres sur le sujet.

        j'ai déja une dizaine de monnaies de régions de cette période ainsi que deux billets de 1937 du pays basque .

        Je compte renforcer ma collection de billets et de Monnaies sur la guerre Civile Espagnole.

        Ma collection de monnaie est sur NUMISTA

        Si j'obtiens des résultats je vous en ferai part 

        Merci pour votre réponse rapide.

        N'hésitez pas à me solliciter

        Bien cordialement*

        André 

    3
    Mercredi 3 Octobre 2018 à 08:39

    Bonjour Daniel,*Est ce que tu pourrais me donner ton adresse mail pour que je t'envoie 2 photos de monnaies en plomb succeptibles etre de la guerre civile Espagnole;

    Bien cordialement

    andré

    0699382963

    4
    Lundi 9 Septembre 2019 à 14:59

    bonjour, mon grand pere maire d un village avait signé des billets de nécessité espagnol avant de quitter le pays espagnol d urgence. ils appelaitsorigue , je n arrive pas a mettre lamain sur un seul de ces billet, pouvez voum aider, merci

    5
    abeilleecureuil
    Lundi 9 Septembre 2019 à 16:50

    De quel village s'agit il?

    salutations

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