• Don Pelayo : la perpétuelle réécriture d’un mythe

    Don Pelayo : la perpétuelle réécriture d’un mythe

     

    Peut-être vous êtes-vous demandé pourquoi, depuis 1388, les aîné(e)s des enfants des rois d’Espagne portent le titre de Prince / Princesse / des Asturies?

    Eh bien, c’est justement à Don Pelayo qu’ils le doivent !

    Don Pelayo : la perpétuelle réécriture d’un mythe

    Su Alteza Real la Princesa de Asturias, doña Leonor de Borbón y Ortiz.

    Lorsque vous visiterez les Asturies, vous ne pourrez pas y échapper à ce Don Pelayo.
    La Communauté Autonome qui porte le nom de “Principado de Asturias”, se situe au nord de l’Espagne, au centre de la côte Cantabrique.
    Don Pelayo : la perpétuelle réécriture d’un mythe

    Avant de faire le portrait de notre héros, voyons un peu de cette Géographie, qui conditionne l’Histoire.
    Tout le nord de la Péninsule est barré par une forte chaîne montagneuse qui prolonge les Pyrénées jusqu’en Galice: la Cordillera Cantábrica.

    Don Pelayo : la perpétuelle réécriture d’un mythe

    Cette Cordillère a été de tout temps un obstacle aux invasions: Romains, Wisigoths, Musulmans s’y sont heurtés, et ces derniers ne l’ont jamais vraiment maîtrisée.
    Les Musulmans étaient entrés en Espagne en 711, conduits par le Wisigoth amazigh (Berbère du Maroc) converti, Tarik Ben Ziyad (Ziyad = Jihad !) et, vers 718/720, ils étaient aux pieds de la Cordillera Cantábrica et franchissaient les Pyrénées par le Pays Basque (Bataille de Toulouse en 721).
    L’actuelle Histoire convenue de Don Pelayo peut se résumer à ceci1 :

    “LO QUE NOS DICE LA HISTORIA
    un punto de partida para recorrer el pasado
    Tras la invasión musulmana de la península en el año 711 se produce una vertiginosa ocupación de todo el territorio hispánico, desde Gibraltar al Cantábrico, sin encontrar ninguna resistencia militar hasta que en el año 718 Don Pelayo y un pequeño grupo de hombres les infringe la primer2 derrota en Covadonga.
    Pelayo y sus seguidores se refugian en Covadonga y tiende una emboscada a los perseguidores al mando del general Alkama.
    Derrotado y puesto en retirada el ejército musulmán, Pelayo es elegido Rey y establece su corte en Cangas de Onís.”

    "CE QUE NOUS DIT L’HISTOIRE
    Un point de départ pour parcourir le passé
    A la suite de l’invasion musulmane de la péninsule en l’an 711, se produit une vertigineuse occupation de tout le territoire hispanique, depuis Gibraltar jusqu’à l’océan Cantabrique, sans rencontrer aucune résistance militaire, jusqu’à ce qu’en 718, Don Pelayo et un petit groupe d’hommes leur infligent la première défaite à Covadonga.
    Pelayo et ses partisans se réfugient à Covadonga et tendent une embuscade aux poursuivants aux ordres du général Alkama.
    Une fois l’armée musulmane vaincue et mise en fuite, Pelayo est élu Roi, et il installe sa cour à Cangas de Onís.”

    Cette “Bataille de Covadonga» allait devenir le «berceau de la Reconquista” et l’une des «pierres angulaires de l’Europe chrétienne».
    Les vieilles chroniques ont mis les mots suivants dans la bouche de Don Pelayo: «Dans cette petite colline est né le salut de l’Espagne.”
    Il est dit aussi que le Roi Pelayo et les Chrétiens, portant avec eux une image de la Vierge, se sont installés dans la grotte de Covadonga pour y implorer sa protection. Plus tard, Pelayo, construisit un autel dans cette même grotte pour rendre hommage à la Vierge.
    Il est bien clair que cette Histoire a été réécrite pour les besoins de la cause, qui n’était pas mince, puisqu’il s’agissait rien moins que de créer le mythe fondateur de la Reconquête, qui allait fédérer tout un peuple, toute une Civilisation pendant près de huit siècles !
    Et qui reprend aujourd’hui une valeur plus que symbolique, pour ceux, au moins, qui la connaissent encore...

    Sait-on, au juste, qui était Don Pelayo ? Pas vraiment...
    On nous dit qu’il venait du Nord de la Péninsule, né vers 685 et mort en 737. Il était sûrement le chef d’une des tribus du peuple antérieur aux Wisigoths, que les Romains avaient nommé « Astur / Astures », et qui a donné son nom à la région.
    Mais son nom lui-même n’est ni wisigoth, ni latin : il est grec. En effet, « Pelayo » provient du grec ancien Πελασγοί / (Pelasgoí) qui désignait un « peuple de la mer », antérieur aux Grecs, peuple particulièrement mythique évoqué par les anciens Égyptiens, par Homère, Hérodote, Socrate, etc.

    Don Pelayo : la perpétuelle réécriture d’un mythe

    Tous les portraits de Don Palayo sont largement postérieurs à son époque ; ils sont idéalisés et ne reflètent que l’idéologie de leur temps !

    On sait que des « peuples de la mer », venus du Sud aux temps néolithiques, ont remonté les côtes atlantiques de la Péninsule Ibérique, de la Bretagne, et sont même arrivés dans les Cornouailles. Etait-il descendant de ceux-là ? et que ou qui défendait-il ?
    On dit qu’il était associé au roi wisigoth de Tolède, Rodrigo, catholique romain, et qu’ensemble ils perdirent la première bataille contre les Musulmans, celle de Guadalete, en 711. On dit aussi qu’à l’issue de cette bataille, il revint se réfugier sur ses terres asturiennes, et de là aurait organisé la résistance.
    A la suite de leur victoire, les Musulmans s’empressèrent de mettre partout en place le système de la dhimmitude : multiples servitudes, lourds impôts que les Chrétiens devaient payer pour ne pas être trop molestés, et aussi... pour qu’ils restent « rentables » !
    Par ailleurs, ils emmenèrent des otages chrétiens à Córdoba, en garantie de la dhimmitude des populations dominées.
    Il semble qu’un prince musulman, un certain Munuza ait été placé à Gijón pour contrôler la zone.

    La question cruciale est maintenant de savoir si Don Pelayo défendait le Catholicisme Romain ou d’autres intérêts divers...
    Il y a d’abord l’insupportable impôt infligé aux dhimmis! Quant aux légendes, elles font état du viol de la fille de Don Pelayo par le chef musulman Munuza —allons, de mauvaises langues !—, et puis le fait que ce même Munuza ait inclus dans son harem la propre sœur de Don Pelayo, sans le prévenir, pour créer des liens de pouvoir bien sûr, et qu’il ait eu la main un peu lourde sur cette malheureuse...
    Et puis, si loin de Tolède, les intérêts de ce peuple astur, farouche, individualiste, peu romanisé et plus ou moins bien converti au catholicisme, étaient sans doute bien loin de l’Église de Rome...

    Quoi qu’il en soit, la fameuse « Bataille de Covadonga » aurait eu lieu en 722. Les chiffres les plus extravagants ont été avancés : 18.000 musulmans berbères contre quelques centaines de Chrétiens, ce qui obligea Don Pelayo a se réfugier dans la non moins célèbre grotte de Covadonga, dans une région inexpugnable, bien connue de lui, à 1200 m d’altitude. Cela lui permit de passer les assaillants, un à un, par le fil de l’épée, dans ces labyrinthes de défilés profonds. Don Pelayo : la perpétuelle réécriture d’un mythe

     

    Et puis, les prodiges se succédèrent : alors qu'ils cheminaient sur la rive escarpée de la rivière Deva, les survivants en déroute furent emportés par des masses de rochers et de terre, puis engloutis dans les flots du miraculeux éboulement ! La foudre même s’en mêla, qui, tombant sur un chêne, y sculpta une croix, la Croix de la Victoire, devenue depuis l’emblème de la Principauté. Les flèches musulmanes revenaient toutes seules vers l’envoyeur! Même la Vierge en personne apparut aux combattants !

    Don Pelayo : la perpétuelle réécriture d’un mythe

    La “Croix de la Victoire”

     Pour la première fois de toute l’Histoire, les Chrétiens d'Espagne remportaient une victoire sur les Musulmans.
    En fait, la « Bataille de Covadonga » passa inaperçue des chroniqueurs musulmans, plus soucieux de franchir les Pyrénées, de conquérir le sud de la France et de prendre Toulouse, que d’accorder la moindre valeur à une escarmouche menée par celui qu’ils nommaient « l’Ane Sauvage », dans des montagnes inexploitables.
    Mais en cela ils avaient tort, car les Asturies allaient servir de refuge et de lieu de résistance aux Chrétiens de toute l'Espagne, devenant ainsi un véritable point de départ de la Reconquista, comme la suite de l’Histoire la prouvera.
    Revenons un peu en arrière : qu’est-ce que cette grotte de « Covadonga » ?
    L’étymologie proposée par l’Eglise Catholique est celle-ci: « Covadonga” signifie étymologiquement “Cueva de la Señora”. Ce mot provient du latin “Cova domínica”, selon les transformations suivantes: covadomínica.-covadominca-covadomnca-covadonca-Covadonga. Le nom Covadonga, dont l’ancienneté n’est pas définie, même sous sa forme latine, ne peut faire référence à une autre “Señora” que la Vierge Marie.”

    A l’opposé de cette étymologie de catéchisme, on peut trouver ceci: “Onga” est le nom phénicien de la déesse-mère, fondatrice de la civilisation grecque. Ce nom est attesté dans La Thébaïde, du VIIIe Siècle Av. JC. On aurait donc “Cova-d'Onga”.
    Ce qui revient au même, car la Sainte Vierge n’est-elle pas un avatar de la Déesse Mère?

    Favila I, fils de Don Pelayo, fit construire une chapelle à Cangas de Onís, sur un dolmen que l’on peut voir actuellement sous l’autel, car il a été conservé.
    Un mot sur les dolmens: ils semblent bien être la signature de ces mystérieux “peuples de la mer”, donc des Pélasges...

    Don Pelayo : la perpétuelle réécriture d’un mythe

    Dolmen sous la chapelle, à Cangas de Onís

     Les premiers documets concernant Don Pelayo datent du IXe Siècle. Or, c’est en 813 que se situe l’ “invention” —aux deux sens du terme— du tombeau de l’Apôtre St Jacques, le principal mythe identitaire forgé pour les besoins de la lutte contre l’envahisseur musulman.
    Coïncidence?

    Aujourd’hui, deux tendances principales se disputent la réécriture du mythe de Don Pelayo.
    D’une part, les “gothicistes”, partisans et continuateurs de l’Eglise Catholique Romaine des Conciles de Nicée et de Trente, lignée wisigothe dans laquelle se situent la Monarchie Espagnole et les Princes des Asturies.
    D’autre part, les “asturianistes” qui font de Don Pelayo un pur descendant des Asturs, courant localiste dans lequel s’inscrivent, bien évidemment, les nationalistes asturiens.

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    1. Extrait du “GUIDE DU ROYAUME” (des Asturies), édité par la ville de Cangas de Onís.

    2. les infringe la primer derrota: on ne peut pas demander à tout le monde de savoir écrire sa propre langue! Il convient de dire “les inflige la primera derrota”.

     

    Daniel D.

    Don Pelayo : la perpétuelle réécriture d’un mythe

    Les symboles de Don Pelayo:

    sa Croix de la Victoire et son épée.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


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