• avril 2013 - Thérèse d'Ávila par Daniel D.

       avril 2013 - Thérèse d'Avila par Daniel D.

    Santa Teresa de Ávila, une femme hors du commun

     « Et un scribe s'étant approché [de Jésus], lui dit : Maître, je te suivrai partout où tu iras. Et Jésus lui dit : Les renards ont des tanières, et les oiseaux du ciel ont des nids ; mais le fils de l'homme n'a pas où reposer sa tête. »    Matthieu  18  et 19.

    Au beau milieu du XVIème Siècle espagnol, encore totalement plongé dans le Moyen Age, dans les fournaises de l’été et les cruelles glaces de l’hiver du haut plateau castillan (Ávila est située à 1000 m d’altitude !), Sainte Thérèse a inlassablement parcouru des chemins caillouteux, poussiéreux, assise sur son âne.

    Au cours de ses déplacements, cette femme, qui a été gravement malade toute sa vie, n’oubliait jamais d’emporter sa botte de paille, à la fois pour nourrir son âne et pour être sûre d’avoir un lit dans ces fameuses « auberges espagnoles » qui devaient être encore pires que ce qu’en a fait la légende...

     Ça n’était sûrement pas facile pour elle, si l’on en juge par ces deux maximes écrites de sa main: « Ou souffrir, ou mourir » et « La vie est une mauvaise nuit dans une mauvaise auberge » !

    Elle a cependant réussi à fonder 16 couvents, à écrire de nombreux ouvrages qui sont des chefs d’œuvres de référence, et à faire tant d’autres choses encore.

    Tout cela, grâce à une volonté de fer, un humour et une joie de vivre qui nous laissent pantois. Un soir, soupant avec elle dans une de ces mauvaises auberges, St Jean de La Croix qui était parfois son compagnon de route, regardant fixement la flamme de la bougie, y passa son doigt rapidement et s’exclama : « Ma sœur, si la flamme de cette petite bougie brûle si fort, je me demande comment doivent brûler les flammes de l’Enfer ! » A quoi elle répondit : « Eh bien moi, frère Jean, en dégustant cette simple crème aux œufs, je me demande comment seront les joies du Paradis ! » L’art de positiver !

    Avec cette femme d’exception, oubliez les mièvreries et les bondieuseries convenues ! Rappelons une de ses maximes : « Une religieuse triste est une triste religieuse. »

    Elle était née en 1515 à Avila, d’origine juive par son père, un an avant que Philippe II ne prenne le pouvoir.

    Elle fut une petite fille à la fois très espiègle et attirée par Dieu. C’est ainsi qu’elle adorait se maquiller et lire des livres de chevalerie, mais que, dans le même temps, avec son frère Rodrigo, elle entreprit une fugue pour aller chercher le martyre chez les « Infidèles » musulmans, pour se faire décapiter par eux, et ainsi accéder plus vite au « Ciel ». Inutile de dire qu’ils furent vite retrouvés ! Ils tentèrent ensuite de se rattraper en construisant dans le jardin de la maison des cabanes en pierres qui leur retombaient sur la tête, pour en faire des ermitages et s’y faire moines. Ils avaient alors 5 et 6 ans...

    avril 2013 - Thérèse d'Avila par Daniel D.

    A l’âge de 14 ans, elle perdit sa mère, et se tourna alors vers la Vierge, pour remplacer la défunte.

    Mais elle continuait à se maquiller, à se parfumer, à papillonner, et à lire des livres de chevalerie. Toujours cette ambivalence d’adolescente difficile !

    Son père, chrétien rigoureux comme le sont tous les nouveaux convertis (en profondeur, ou de façade par obligation...), s’en inquiéta grandement ; il la plaça donc, pour la faire « redresser », au couvent des Augustines, à Avila.

    Malheureusement, cela ne dura pas car, au bout d’un an et demi, elle contracta une première grave maladie. De retour à la maison, elle se mit à réfléchir et s’orienta alors définitivement vers la voie de la sainteté. Tellement bien qu’elle voulut se faire religieuse, alors que son père le lui interdisait.

    Qu’à cela ne tienne, à 20 ans elle réintégra le couvent qui, à l’époque, n’ était pas encore de clôture, c’est à dire que les religieuses n’étaient pas cloîtrées, qu’elles pouvaient aller et venir, et recevoir n’importe qui. Détail important pur la suite...

    Encore une fois, cela ne dura pas, car une autre grave maladie s’abattit sur elle, et il fallut de nouveau la ramener à la maison.

    Les médecins et les guérisseurs s’acharnèrent si bien sur elle que le mal empira, et qu’ils se déclarèrent impuissants. Elle tomba dans un coma si profond qu’on la crut morte pour de bon... Même les tests les plus cruels ne donnaient aucun résultat, par exemple lui faire couler sur les paupières de la cire fondue de bougie.

    Au bout de quatre jours, sa tombe était creusée, et tous les préparatifs étaient faits.

    Mais voyez, ce père si sévère, qui devait aimer beaucoup sa fille, n’y croyait pas, et il retardait la cérémonie. Bien lui en prit, car Thérèse sortit soudain du coma ! Pas en très bonne forme, malheureusement, car elle était entièrement paralysée. Elle avait 23 ans !

    Elle resta ainsi trois longues années, et elle raconte elle-même que, lorsqu ‘enfin elle put marcher à quatre pattes, elle se sentit sauvée !

    Chaque historien, chaque médecin féru d’histoire, s’est essayé à un diagnostic de cette étrange maladie qui la suivra toute sa vie, et chacun à la lumière ou aux ténèbres de sa spécialité. Une chose semble sûre : il ne s’agissait pas de « maladie mentale » ou autre dérèglement psychiatrique infamant, mais probablement d’une dégénérescence des neurones due à la malaria, endémique dans la région à cette époque, ou à la brucellose.

    Revenue au couvent, elle y restera vingt ans, avant de se lancer sur les routes pour sa mission de fondation de couvents et de réforme du Carmel.

    En attendant, d’autres « maladies » la guettaient !

    En 1560, un ange apparut à ses côtés, et lui transperça le cœur avec un dard d’or terminé par une pointe de feu.

    Ecoutons comment elle raconte elle-même cette aventure extraordinaire :

    « Le Seigneur voulut que j’eusse cette vision: je voyais un ange auprès de moi, sur le côté gauche, sous forme corporelle, ce que je ne vois d’habitude que par pure merveille. Même si les anges se présentent souvent à moi, c’est sans que je les voie, sous la forme de cette vision dont j’ai d’abord parlé.

    Lors de cette vision, le Seigneur voulut que je le visse ainsi: il n’était pas grand, mais petit, très beau, son visage tellement enflammé qu’il semblait être très haut placé, de ceux qui, dit-on, s’embrasent tout entiers. Ce sont, je pense, ceux que l’on nomme chérubins ; en effet ils ne me disent pas leurs noms ; et je vois bien que dans le ciel il y a tant de différence entre certains anges et d’autres, et entre d’autres et d’autres encore, que je ne saurais le dire.

    Je voyais entre ses mains un long dard en or qui, à la pointe du fer, me semblait porter un peu de feu. Parfois j’avais l’impression qu’il m’enfonçait ce dard à travers le cœur et que cela arrivait jusqu’à mes entrailles. Et il me semblait que le fer les emportait avec lui quand il le retirait, et je restais tout embrasée du plus grand amour de Dieu.

    La douleur était si intense qu’elle me faisait pousser ces faibles plaintes dont j’ai parlé, et la douceur causée par cette indicible douleur est si excessive, qu’on n’aurait garde d’en appeler la fin ; l’âme ne peut se contenter de rien qui soit moins que Dieu. Cette souffrance n’est pas corporelle, mais spirituelle même si le corps n’est pas sans y participer un peu, et même beaucoup. C’est une galanterie si douce qui s’échange entre l’âme et Dieu, que je supplie sa bonté de la faire goûter à qui penserait que je mens. »

    Cet épisode est celui qui a fait couler le plus d’encre, de la part d’auteurs les plus variés, sérieux, illuminés, fanatiques, sceptiques, matérialistes, psys, et j’en passe.

    Il a même été écrit qu’aucun auteur de textes érotiques n’est allé aussi fort dans le « hard » !

    Loin de moi l’idée d’en rajouter !

    Je remarquerai simplement que chacun fait une lecture du réel à travers ses propres références, ses systèmes de valeurs, ses obsessions, ses déformations professionnelles, etc.

    La seule trace objective de cet épisode a été relevée lors de l’autopsie (du « dépeçage », comme nous le verrons) du corps défunt de la sainte : une large cicatrice apparaissait bien en évidence sur son cœur.

    Ce qui est important pour nous, c’est la lecture que faisait Sainte Thérèse de toutes ses tribulations : elles les considérait toutes comme envoyées par Dieu, pour sa purification.

    Cela me semble bien important : vraie ou fausse, si on a une raison transcendantale de croire, on va de l’avant !

    Les visions de toutes sortes, les lévitations aussi, semble-t-il, ne cessèrent de la poursuivre, ou de la gâter, c’est selon... Quoi qu’il en soit, elle s’en ouvrait à ses confesseurs et autres directeurs spirituels qui, ne comprenant rien (d’ailleurs, elle qui n’avait pourtant pas fait d’études poussées, disait qu’elle les trouvait incompétents), attribuaient tout cela au diable, et lui donnaient de bien curieux conseils. Par exemple celui-ci : devant tout nouvel assaut du diable, elle devait faire le geste de l’ « higo » (la figue) pour le chasser.  Et la pauvre nonne était horrifiée, préférant encore les méfaits du diable que de faire cela ! Il faut dire que le geste de l’higo, geste que l’on fait innocemment aujourd’hui en pinçant le pouce entre l’index et le majeur, poing fermé, pour faire croire à un enfant qu’on lui a enlevé le nez, signifiait alors en Espagne faire... un doigt d’honneur !

     Revenons un peu sur l’ambiance des couvents au XVIème Siècle : cool, cool, dirait-on maintenant. Mieux, outre qu’ils permettaient de caser des oisives (on dirait de nos jours des chômeuses) ou d’éloigner des indésirables, c’étaient de véritables salons où l’on cause, et des lieux de rencontres en tout genre...

    Cela ne convenait vraiment pas du tout à notre sainte qui avait, pour elle-même, pour le service de Dieu, et pour les femmes, de bien plus hautes visées.

    D’ailleurs, si elle déclarait « L’expérience m’a appris ce qu’est une maison remplie de femmes. Que Dieu nous garde de ce mal ! », ce n’était peut-être pas pour rien.

    Mais, ne nous y trompons pas, elle est une authentique précurseuse du féminisme le plus remarquable. Et si on la comprend bien, ce n’est pas un paradoxe.

    C’est pour lutter contre cette décadence qu’elle entreprit de r »former l’Ordre du Carmel.

    Et voilà comment, en pleine Contre Réforme, sous le règne du très « intégriste » pape Saint Pie V (l’idole des fidèles de Saint Nicolas du Chardonnet, vous voyez ?), en plein essor de l’Inquisition avec qui elle avait d’ailleurs eu pas mal de problèmes, Sainte Thérèse qui était bien loin de tout cela, et peut-être même sans le savoir, devint l’alliée objective de tout ce beau petit monde !

    Nous avons vu qu’elle a beaucoup écrit: des récits autobiographiques, rédigés sur l’insistance de ses confesseurs, mais avec beaucoup de bonne foi, de sincérité, et une profondeur psychologique étonnante pour son époque, mais aussi, plus spontanément, des poèmes que nous allons regarder un peu.

    Par exemple, celui-ci, qui lui est seulement attribué, mais qui lui ressemble tellement:

    “No me mueve, mi Dios, para quererte,

    el cielo que me tienes prometido,

    ni me mueve el infierno tan temido

    para dejar por eso de ofenderte.”

    Etc.

    Le ciel que tu m’as promis

    Ne m’incite pas, mon Dieu, à t’aimer,

    Ni l’enfer tant redouté, ne me conduit

    À cesser par sa crainte de t’offenser. 

         avril 2013 - Thérèse d'Avila par Daniel D.

     Eh bien, une chercheuse universitaire a retrouvé un texte qui dit ceci:

    “Oh, mon Seigneur, si je T’adore par peur de l’enfer,

    Brûle-moi en enfer,

    Et si je t’adore dans l’espérance du paradis,

    Exclus-moi de lui.”

    Etc.

    De qui, ce texte? D’une poétesse nommée Rabi’a al-‘Adawiyya, musulmane soufie, née à Basora en Irak, aux alentours de 713!

    Des explications?

    avril 2013 - Thérèse d'Avila par Daniel D.

    Nous avons vu que Saint Jean de la Croix était un compagnon de Sainte Thérèse dans ses déplacements missionnaires; il l’était aussi dans ses études.

    Or, Saint Jean avait des ancêtres maures, et était parfaitement au fait de la mystique soufie.

    Encore un exemple, juste pour y réfléchir: les “sept demeures de l’âme”, caractéristiques de la mystique de Sainte Thérèse, son exactement les mêmes, trait pour trait, que celles des soufis.

    On pourrait voir un paradoxe dans le fait que les deux plus grands mystiques chrétiens espagnols aient été l’une d’origine juive et l’autre de descendance arabo-musulmane !

    Mais, si l’on y regarde d’un peu plus près, ce n’est pas le cas du tout. En effet, les mystiques de toutes les obédiences s’entendent parfaitement entre eux, car ils savent, au fond, que les religions n’ont pas grand chose à voir avec Dieu, car Dieu est au fond de chacun de nous.

    C’est bien ce qu’affirmait haut et fort (la deuxième partie de ma phrase seulement...) Sainte Thérèse, lorsqu’elle déclarait que le Seigneur n’est pas dans l’au-delà, mais en chacun de nous, autrement dit que la transcendance est dans l’immanence. Dans son langage concret de bonne Castillane, elle formulait cela ainsi: « Dieu est parmi les casseroles et les marmites ».

    Vous comprenez maintenant ces gros ennuis avec l’Inquisition, plus préoccupée de religion (et de politique) que de Dieu, en ces temps du Concile de Trente !

    Retrouvons Sainte Thérèse sur la dernière étape de sa vie terrestre.

    Septembre 1582, elle est encore sur les routes, de retour de Burgos où elle vient de finaliser sa dernière fondation, mais elle souffre, entre autres calvaires, d’un cancer de l’utérus —la « maladie des religieuses vierges »...—, en phase terminale. Elle souhaite rentrer mourir à Avila.

     

    Mais le devoir l’appelle, en la personne de la Duchesse d’Albe —la plus haute noblesse espagnole— qui s’apprête à accoucher à Alba de Tormes, et réclame sa bénédiction.

     

    Elle ne pourra pas aller plus loin.

     

    Curieuse coïncidence: Thérèse est morte au cours de la plus longue « nuit » de l’Histoire, celle qui s’étendit du 4 au 15 octobre 1582, en raison du passage du calendrier Julien au calendrier Grégorien !

    avril 2013 - Thérèse d'Avila par Daniel D.

    Sa dernière étape, celle d’Alba de Tormes ?

    Oh, que non !

    Neuf mois après sa sépulture, le corps fut exhumé : on le trouva intact, signe évident de sainteté !

    C’est alors que la cohorte des rapaces du trafic de reliques se jeta sur ce corps : un premier religieux commença le dépeçage par une main, dont il garda soigneusement pour lui le petit doigt, ben voyons !

    Son pied droit et une partie de sa mâchoire supérieure partirent à Rome.

    Sa main gauche se retrouva à Lisbonne.

    Son œil gauche et sa main droite commencèrent leur périple par Ronda, et cette main finit, volée au cours de la Guerre Civile, dans celles de Francisco Franco qui la garda près de lui jusqu’à sa propre mort.

    Un de ses doigts voyagea jusqu’à Notre Dame de Lorette, à Paris.

    Un autre doigt est à Sanlúcar de Barrameda.

    Sans compter d’autres restes indéterminés, qui ont été dispersés dans toute la Chrétienté.

    Finalement, son bras gauche et son cœur sont encore dans des reliquaires à Alba de Tormes, ainsi que ce qui reste de son corps.

    Whaoooou !

    On a envie de respirer...

    Eh bien, je vous propose deux « lieux de pouvoir », pour vous régénérer : le tombeau lui-même de la Sainte, à Alba de Tormes, et la « pierre de Sainte Thérèse », gros bloc massif posé dans l’angle gauche de la façade sud de l’Escorial.

    Et pourquoi cela ?

    Il faut y croire : il s’agit de radiesthésie !

    Selon les radiesthésistes, les « vibrations » normales de l’environnement sont de 6.5OO à 8.000 Unités Bovis. Or, les deux lieux cités accusent 25.5OO Unités.

    Et certains se demandent si ce phénomène ne serait pas la cause véritable de la momification de la Sainte, à Alba de Tormes…

    Quant à la « pierre », on dit que Thérèse y reprenait un peu ses esprits avant de se trouver face à face Philippe II ! Y croyait-elle elle-même ? Est-ce qu’elle y ressentait quelque chose ?

    Ça ne coûte rien d’essayer, non ?

    Daniel D.

     


  • Commentaires

    1
    SABINE
    Vendredi 8 Juin 2018 à 14:59

    POUR QUOI A T ELLE ETE EN ENFER DANS UN CACHOT MADAME GUELLE SABINE sarcastic

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