• Atelier-lecture novembre et décembre 2018

    Ateliers de lecture du 22/11 et du 20/12 2018

     

    Humble rapporteuse des avis éclairés de mes compagnes de lecture toujours à l’affût de la dernière parution, du nouvel auteur, des meilleures critiques, je leur à souhaite à toutes une excellente année 2019, littéraire, romanesque, policière, actuelle, historique, politique, poétique, autant d’adjectifs qui balaient les types d’ouvrages que nous parcourons. Que cette année nous amène à tourner beaucoup de pages qui nous entraîneront dans ces échanges féconds et amicaux que nous aimons tant partager.

    Martine

    « Le reste est silence » Carla Guelfenbein

    L’avis de Maria :

    L’auteure est née en 1959 à Santiago du Chili. Exilée à onze ans en Grande-Bretagne pendant la dictature, elle vit au chili et travaille dans une agence de publicité. Elle a écrit : « L’envers de l’âme » en 2001, « Ma femme de ta vie » en 2007 (ces deux romans ont été qualifiés de best-sellers), « Nager nues » en 2013, « Etre à distance » en 2017.

    « Parfois les mots sont comme des flèches, ils vont et viennent, blessent et tuent comme à la guerre. Voilà pourquoi j’aime bien enregistrer les adultes » dit Tommy un garçon de 12 ans, malade (problèmes cardiaques) qui se promène avec le MP3 offert par sa belle-mère, Alma. Il saisit et enregistre donc les conversations des adultes. C’est ainsi qu’il apprend que sa mère n’est pas morte de maladie, mais s’est suicidée. Il essaie alors de trouver des éléments qui constituent son passé. Trois personnages s’expriment tour à tour dans le roman : Juan, le père de Tommy chirurgien cardiologue, Alma la belle-mère de Tommy et la maman de Lola âgée de 8 ans, Tommy lui-même. Chacun dévoile ses sentiments profonds, ses peurs, mais passe toujours à côté de l’autre sans arriver à le comprendre. On pénètre dans la vie intime des personnages, dans leurs secrets familiaux et l’on voit peu à peu partir à la dérive cette famille jusqu’au drame final.

     

    « Au cinq rue Lima » Mario Vargas Llosa

    Ce prix Nobel de littérature en 2010 est au Pérou en 1936. Il a écrit une vingtaine de romans.

    Cet ouvrage, écrit en 2016, dépeint, sur fond de dictature sous la présidence d’Alberto Fujimori, un gigantesque scandale à la fois politique, médiatique et sexuel sous la forme d’une intrigue policière à tiroirs dans un contexte érotico-sexuel assez débridé. L’intérêt de ce roman devient plus évident dès qu’apparaissent les vraies personnalités des différents personnages : politiciens, policiers de l’époque : le Président, le Docteur (Vladimiro Montesino, avocat des narcotrafiquants, chef des services de renseignements), d’autant plus que l’on sait que l’auteur avait été candidat à la présidence de la République en même temps que Fujimori. Donc à lire avec ces informations en tête.

     

    « La Maison des Belles Personnes » Gabriel Rolon

    L’avis de Martine :

    L’auteur est né à Buenos Aires en 1961. Il exerce dans cette ville comme psychanalyste. C’est une figure médiatique en Argentine où il a présenté plusieurs programmes de radio et de télévision autour de la psychanalyse pour des médias nationaux. Ce livre est son premier roman.

    Voici un roman policier original qui déroule une enquête sur fond de psychanalyse, ce qui m’a d’ailleurs entraînée dans une lecture instructive qui garde toutefois les codes du polar. L’atmosphère est sombre, inquiétante et l’ouvrage somme toute addictif. Le roman commence ainsi : un soir, un célèbre psychanalyste est contacté par une belle jeune femme qui lui adresse une demande surprenante : celle de l’aider à déclarer son jeune frère, accusé du meurtre de leur père, irresponsable mentalement. Et c’est ainsi que l’on pénètre au sein d’une famille pour le moins particulière : la mère, beaucoup trop amoureuse de son époux, est morte, le père, abject, a été assassiné par son fils psychotique, la sœur aînée se montre très protectrice, la jeune sœur, dotée d’une intelligence supérieure, est un prodige du violon. Alors la question essentielle du livre est : où est la vérité ? Faut-il se fier aux apparences ? Qui est vraiment coupable ? Le psychanalyste Pablo Rouvier nous entraîne dans une enquête angoissante et nous fait pénétrer dans un monde de noirceur tout en dépeignant une Argentine corrompue. Cet enquêteur offre au lecteur une personnalité humaine, compatissante mais aussi entêtée. Sa réussite professionnelle ne l’empêche pas d’avoir ses propres fragilités et une grande sensibilité. En ce qui me concerne, les remarques d’ordre psychanalytiques ne m’ont pas gênée. Au contraire, outre leur intérêt, elles contribuent à l’originalité de ce roman habilement construit.

     

    « Eva » Arturo Perez Reverte

    L’avis de Marie-Lou :

    Falco, c’est le James Bond de la guerre d’Espagne ! Sympa, charmeur, toujours intéressé par une aventure amoureuse. Ancien trafiquant d’armes, le voilà maintenant espion pour la cause franquiste, au service del « Almirante » personnage très pittoresque, au langage particulièrement fleuri. Cette fois, il s’agit pour Falco de récupérer pour les agents de Franco, l’or de la République Espagnole qui se trouve sur un bateau qui doit quitter les eaux neutres de Tanger pour la Russie avec son précieux chargement. Le frère de Franco est lui-même le commanditaire de cette opération. Avec toujours en toile de fond des faits historiques réels et des personnages ayant réellement existé, l’auteur nous entraîne, encore une fois, dans une belle aventure ! Mais rassurez-vous, notre héros est invincible, même dans les situations impossibles il s’en sort toujours ! Il doit continuer à vivre pour de nouvelles aventures…

     

    « L’heure de nous réveiller ensemble » Kirmen Uribe

    L’avis de Jeanine :

    Né en 1970, Kirmen Uribe est l’auteur le plus prometteur de la nouvelle génération basque. Son recueil « Entre temps donne-moi la main » a reçu des prix prestigieux et son roman « Bilbao-New-York-Bilbao » a obtenu le prix national de littérature espagnole. C’est un romancier et poète natif d’Ondarroa, issu d’une famille de pêcheurs. « L’heure de nous réveiller ensemble » raconte l’histoire d’un peuple, à travers notamment celle d’un couple, Karmele et Txomin, lui plus âgé qu’elle de quinze ans. Au sortir de la guerre civile, achevée pour l’un et pour l’autre dans le camp des vaincus, ils se rencontrent en France étant membres tous les deux du collectif artistique « Eresoinku » qui soutenait la cause du gouvernement basque en exil et financé par Manu Sota fils ainé de l’une des familles les plus riches d’Europe à l’époque. Txomin était trompettiste et Karmele danseuse. Lorsque la France en 1940 ne leur sera plus un refuge, ils s’exilent au Venezuela où Txomin devient membre des services secrets basques. Plus tard, ils devront revenir en Espagne avec leurs enfants pour une nouvelle mission à Barcelone. Txomin sera arrêté, torturé et emprisonné et ne s’en remettra jamais. Il y a aussi Antonio José Aguirre qui est à la tête de ces résistants basques et va rejoindre Manu Sota à New York où ce dernier est parti en août 1938 pour y ouvrir une délégation du pays basque. Aguirre, en qualité de professeur d’histoire à l’université Columbia, parle du rôle important que les Basques peuvent jouer à travers les services secrets basques, notamment sur les franquistes et dans la deuxième guerre mondiale. L’ambassadeur britannique à Paris, le député Noël Baker dira : « Les basques disposent d’une structure paramilitaire remarquable. Si une telle organisation s’étendait à toute l’Espagne, Franco ne resterait pas un jour de plus au pouvoir. » Une fois la guerre finie, l’ONU condamne Franco mais aucun pays ne suit et en 1947 les USA rejettent la condamnation de Franco par les Nations Unies. Manu Sota et Aguirre, pour maintenir éveillée la cause basque, organisent un congrès mondial à Paris sur la culture basque. En décembre 1958 des jeunes issus du PNB fondent l’ETA et sa revue. Y participent les enfants de Txomin et Karmele. Mais toute la direction de l’ETA fut démantelée le 3 décembre 1970 : « procès de Burgos ». Des protestations s’élevèrent enfin dans toute l’Europe, notamment massives en France.

    Bien qu’ayant un champ romanesque, ce livre parle de personnages réels, d’un peuple dans le siècle qui fut pour lui celui de toutes les déchirures. Il se base sur un travail de recherches remarquables, ce qui peut lui donner parfois un air de documentaire, notamment par rapport à la saga qu’est « Patria ».

     

    « Patria » Fernando Aramburu

    L’avis de Martine :

    Dès les premières pages j’ai été happée, je suis entée dans l’histoire et j’ai juste eu envie de poursuivre ma lecture rédigée dans un style simple, direct adapté au milieu social des personnages et ponctuée de dialogues qui rendent l’ouvrage vivant. Les époques se mélangent au sein de chapitres courts et rythmés. Au début de chacun d’eux on ne sait si l’on repart dans le passé ou si l’on reste dans l’actualité des personnages. Ce roman, c’est un puzzle qui se met en place progressivement. Chaque protagoniste est typé, on a donc ainsi une idée très claire de chacun d’eux, de sa psychologie, de ses sentiments. Les histoires de la vie de tous les jours se télescopent avec l’histoire de la province avec un grand H. Au départ, deux couples vivent dans un village du pays basque. L’un, qui a trois enfants, évolue dans un milieu ouvrier et l’autre, un peu plus aisé a deux enfants. Les deux couples partagent une vraie amitié, les hommes sont fous de vélo et vont au café ensemble, les femmes savent se faire plaisir en dégustant chocolat et churros à Donostia toutes les semaines. Tout va déraper et basculer quand s’instille progressivement le poison de la lutte armée pour l’indépendance car au sein des villages l’idéologie, peu intellectualisée, de l’indépendantisme ne laisse que deux choix : collaborer ou être ostracisé. Dans l’une des familles l'un des fils rejoint la bande armée séparatiste; l'autre devient l’objet de la vindicte du groupe armé quand le père de famille, El Txato, un petit patron, rechigne à payer "l'impôt révolutionnaire". Peu à peu mis à l'index par son entourage, il finit …..Les deux héroïnes, rudes, à la forte personnalité inflexible, ne m’ont pas été très sympathiques, leurs maris, plus humains, beaucoup plus. Le roman a quelques longueurs quand il s’appesantit sur la vie sans grand intérêt de certains enfants des personnages principaux et sur la fin, il s’étire. Une seule belle personne éclaire cet ouvrage : c’est Arantxa, la sœur du militant pur et dur. C’est la seule qui sait faire la part des choses, qui sait dissocier les jugements des sentiments (les uns n’empêchent pas les autres) et qui a une vue lucide sur les drames qui frappent les deux familles et plus largement sur l’ETA. A noter que le succès du roman a été tel qu’une adaptation en série est en cours en Espagne et qu’il est un excellent sujet de débat. Et pour terminer voici ce que dit l’auteur de l’idéologie décrite dans le livre : « Je ne sais pas si cette idéologie a été totalitaire, mais ceux qui se sont efforcés de la mettre en œuvre, oui, sans aucun doute. Ils ont voulu créer, de force, une communauté idéale. Estimant que certains citoyens y faisaient obstacle, ils ont fait d'eux des ennemis. Ils ont nié leur humanité. Après les avoir 'chosifiés', ils se sont arrangés pour les supprimer du paysage rêvé. Il y a eu plusieurs degrés dans cette exclusion : le silence, la soumission ont été les plus légères. Ensuite, l'exil. L'expulsion extrême a été l'assassinat sélectif. ETA a été créé pour accomplir cette tâche spécifique.  » (17/03/2018)magazine « L’express »

     

    « Point cardinal » Leonor de Recondo

    L’avis de Martine :

    Voici un livre court (143 pages) où pourtant tout est dit. Un couple s’aime depuis le lycée. Ils se sont mariés, ont eu deux enfants Thomas et Claire, jusque-là rien de très original. Un indice : Laurent, le père, éprouve depuis l’enfance une attirance particulière pour les vêtements de sa mère, il aime leur velouté, leur douceur et il adore s’enfermer dans l’armoire pour les toucher le plus longtemps possible. Et le livre commence ainsi, comme une scène de film : un parking quasiment désert où dans une voiture une femme se démaquille, enlève sa perruque blonde, sa robe et finit par se dénuder complètement pour se vêtir ensuite de vêtements masculins. C’est Laurent, le mari, le père. Ce roman est le parcours de cet homme aimant qui se sent femme, qui sait qu’il ne vit pas dans le bon corps et qui va vouloir affirmer, courageusement, cette identité féminine aux yeux de tous, famille et collègues de travail compris en se pliant à toutes les opérations nécessaires à sa transformation. Cette identité, en s’affirmant, va provoquer un cataclysme dans la famille… C’est un roman magnifique, très nuancé, où tout est dit finement, sans superflu et sans pathos mais avec beaucoup de sentiments. Le thème c’est l’identité, un point c’est tout. Il n’est nullement question d’homosexualité ni de désir sexuel.


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