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Atelier Lecture nov 2019
Atelier lecture du 07/11/2019
« La fête au bouc » Mario Vargas Llosa prix Nobel de littérature 2010
L’avis de Josette :
Une jeune avocate new-yorkaise débarque à Saint Domingue, où elle est née, et qu’elle a quitté 35 ans plus tôt, adolescente. Elle vient retrouver son père mourant avec l’intention de lui demander des comptes sur sa collaboration zélée avec le Chef, le Généralissime, le Bienfaiteur, le Père de la Nouvelle Patrie, Son Excellence le Docteur Léonidas Trujillo de Molina qui tint son peuple sous le joug d »une dictature féroce pendant 31 ans. Elle désire connaître également le déroulement du complot fomenté par quatre jeunes héros dont le courage et l’abnégation ont abouti en 1961 à l’assassinat de Trujillo.
Nous retrouvons , dans ce livre remarquable véritable document historique, tous les ingrédients récurrents des régimes totalitaires : sentiment de supériorité, mégalomanie, désir d’imposer ses idées et de tout contrôler, volonté de faire régner la terreur avec cruauté et cynisme sans oublier de s’enrichir au passage.
« L’affaire Jane de Boy » Simone Gélin
L’avis de Josette :
L’auteur, ancienne enseignante, a déjà écrit d’autres ouvrages et reçu plusieurs récompenses. Celui-ci en fait partie.
L’action se déroule d’octobre à décembre 1960. Un jeune couple d’origine espagnole vient de s’installer dans une maison assez isolée au bord du bassin d’Arcachon, après avoir vécu dans le quartier de la « Petite Espagne » de Bordeaux où habitent de nombreux Espagnols, réfugiés républicains. Le mari, Félix, dirige une entreprise de transports de denrées espagnoles, sise à Bordeaux. Son épouse, Justina, s’occupe de leur fille, Jane, dans leur maison. Un soir d’octobre la fillette disparaît en quelques minutes, sans aucun témoin. L’enquête, confiée au commissaire bordelais Lasserre se révèle compliquée : est-ce un crime crapuleux comme l’enlèvement au printemps dernier du petit Eric Peugeot ou bien cet enlèvement a-t-il un rapport avec l’origine espagnole des parents ? Nous suivons l’enquête au jour le jour et parallèlement nous prenons connaissance d’une lettre, véritable journal intime d’une jeune femme, ABRIL.
J’au lu ce livre avec intérêt et plaisir. Les personnages évoluent en partie dans un Bordeaux en pleine transformation et en partie en Espagne (rappels de la guerre civile et de ses exactions). Nous baignons, en cette année 1960, dans certains événements marquants : Papon préfet de Paris, Guerre d’Algérie, Jacques Chaban -Delmas déjà maire de Bordeaux…
« Tropique des Silences » Carla Suarez
L’avis de Maria :
L’auteur est née à la Havane en 1969. En 1998, elle s’installe à Rome où elle continue d’écrire et de travailler comme ingénieure et professeure d’informatique. La même année, la fondation Alejo Carpentier de la Havane lui accorde la bourse Razon de Ser pour un projet de roman. Eb 1999, elle obtient en Espagne le prix « Lengua de Trapo » pour son premier roman « Tropique des Silences » qui sera adapté au théâtre quelques années plus tard en France. En 2003 elle déménage à Parisoù elle bénéficie de plusieurs bourses d ;écriture. Actuellement, elle vit à Lisbonne où elle anime le Cub de Lecture de l’Institut Cervantes et elle est professeure d’écriture à Madrid.
Dans ce livre, assez pessimiste, l’auteur lève petit à petit le voile sur tous les mensonges des membres de sa famille au fur et à mesure que celle-ci se déglingue à l’image de l’économie cubaine dans les années 80. La narratrice se réfugie dans le silence avec pour compagne privilégiée son chat « Frida » : « La grande qualité que nous avons en commun, c’est le silence » . Nous suivons sa fuite de la famille et du système politico-économique cubain, au travers de ses rencontres avec les jeunes, les personnes plus âgées, la consommation de drogues, d’alcools et le repli sur soi. Son refus de suivre sa mère en Argentine où vit sa famille, de suivre son meilleur ami, Quatre, en Espagne… sa vie seule dans la grande maison familiale…
« Rien n’est noir » Claire Berest
L’avis de Martine :
Elle : Elle a 15 ans. Elle a été acceptée à l’école de la Preparatoria, ouverte pour la première fois à la mixité. C’est loin de chez elle, alors elle y va en tramway. Etudiante, elle aime observer l’artiste Diego Rivera peindre son premier mural. En effet, depuis que Vasconcelos est devenu ministre de l’Education Nationale, il s’est engagé entre autres, à mettre l’art sur les murs publics. La peinture est devenue monumentale, elle donne aux analphabètes le droit de lire leur Histoire Nationale, de retrouver leurs racines indiennes sublimées. Les copains de Frida se moquent d’elle, pourquoi aller le voir peindre tous les jours ? Alors Frida répond : « Un jour j’aurai un enfant avec Diego Rivera, il faut bien que je l’observe un peu avant, non ? ». Tout cela c’était avant l’Accident de tramway qui la laisse cassée de partout, avec l’abdomen traversé jusqu’au vagin par une barre de fer. Alors tout change : surtout ne pas bouger pour que son corps, devenu puzzle, se réunisse, un mois à l’hôpital, deux chez elle dans son lit à baldaquin, souffrance, douleur et son amoureux qui ne vient plus la voir. Elle remarche trois mois après son accident. Mais la rechute est dure : un an après, opération, corset de plâtre et lit à baldaquin et son « novio » qui ne veut plus d’elle. Alors le lit est décoré puis elle demande à son père des pinceaux, des couleurs, un chevalet et une toile…
Lui : Il a passé dix ans à Paris en compagnie de la bohème européenne, de Fujita à Picasso, de bars en bistrots. Il est grand, volumineux « mi-pachyderme, mi-pieuvre aux tentacules envoûtantes » et toutes les femmes sont attirées par lui. Il peut peindre des heures d’affilée en ne buvant que du lait sans rien manger. Comme on dit, c’est une « nature » !
Eux : « -Camarade Rivera !
- C’est pourquoi ? Je travaille.
- J’ai quelque chose à vous montrer.
- J’ai pas le temps niña
- Descends Rivera, rapido !
Elle a apporté deux tableaux, il lui a dit qu’il viendra chez elle à Cayaocan le dimanche suivant. Et la vie ensemble commença. Un tourbillon plein de fureur, de larmes, d’alcools, de sexe, d’extravagances, de luttes, de défis, de rage, de créations, mais surtout de douleur.
C’est une œuvre prenante, romancée, c’est sûr, mais avec, dans le style, des fulgurances littéraires. Claire Berest se coule en Frida, dans ses émotions, ses paroles, son âme, le tout avec talent. Les ultimes pages sont bouleversantes et poignantes.
« Dark » Edgardo Cozarinsky
L’avis de Jeanine :
Un vieil écrivain essaye de se remémorer comment il est devenu romancier. Lui revient son adolescence à Buenos Aires dans les années cinquante, un temps où le puritanisme était la règle. Lycéen, il rêve d’échapper au milieu bourgeois et conservateur de ses parents ainsi qu’à leurs interdits. Un soir, à 15 ans, il s’aventure dans un bar où se produit une star vieillissante du tango, et y rencontre un jeune homme séduisant, Andrès. Il se présente à lui sous le prénom Victor. Une étrange relation se tisse entre eux. Victor lui parle de son désir de devenir écrivain et pour cela de ses désirs d’inconnu, de découvertes. Andrès, qui ne dévoile pas ses occupations, semble pouvoir dépenser de l’argent sans souci. Il fait découvrir au jeune Victor le monde marginal de Buenos Aires. Il lui offre des vêtements interdits dans sa famille (jeans), des spectacles, des week-ends. Ce qui n’effraye pas Victor mais renforce sa curiosité. Il espère que les portes de l’inconnu vont s’ouvrir. Andrès se joue des codes, des lois, il est à la fois tentateur et initiateur. Bien que les non-dits et les secrets les séparent, Victor est sous le charme obscur d’Andrès. (Victor est notamment initié au sexe par une cousine). Tout cela questionne bien sûr le lecteur qui peut imaginer des épilogues. Ainsi que se passera-t-il après qu’ils auront un accident de voiture ?
Roman de formation et d’initiation, roman qui pose la question de l’origine du devenir écrivain.
Edgardo Cozarinsky est né à Buenos Aires en 1937. Après des études de littérature, il réalise un film underground en 1973 dont il sait que la censure l’interdira. Un plus tard les troubles politiques en Argentine le poussent à s’installer à Paris où il se consacre également au cinéma. En 1985, il retourne en Argentine où il publie un dialogue entre fiction et essai « Vaudou Urbain » qui est devenu un objet de culte. Puis viennent des recueils de nouvelles, des romans (« La fiancée d’Odessa », « le Rufian Moldave », « Loin d’où », « de l’argent pour les fantômes » etc…)
Ses arrières grands-parents étaient des juifs partis de Kiev et d’Odessa.
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