• Atelier-lecture du 2 mai 19

    « La transparence du temps » Leonardo Padura

    L’avis de Martine :

    L’intrigue déroulée dans le roman ne m’a pas paru exceptionnelle l’ayant trouvée secondaire par rapport aux autres thèmes développés. En bref, Mario Conde, ce héros récurrent des ouvrages de l’auteur, va se lancer, pour aider un ami de lycée, à la recherche d’une Vierge Noire Médiévale qui a donc une très grande valeur.

    Ce qui m’a frappée, dans ce roman, c’est l’importance du temps (le titre d’ailleurs en témoigne), de l’introspection, de la mélancolie et de la description de la société cubaine actuelle.

    Le temps tout d’abord. Il rythme le livre par la datation de chaque chapitre qui traite de la contemporanéité des actions. Le temps historique est présent lui aussi dans les retours vers le passé intercalés parmi les autres chapitres tout au long du roman. Le temps présent égrène sa petite musique nostalgique et inquiétante dans la tête de Conde : ses 60 ans sont très très proches…Et cet anniversaire qui marque la fin du livre résonne en lui comme une échéance fatidique qui évoque son entrée dans le quatrième âge. Alors la peur s’installe : peur de la vieillesse, de la dégradation physique, peur aussi de la vie, de la société qui change autour de lui et à laquelle il ne se sent plus adapté. S’ajoute le futur départ à Miami d’un de ses meilleurs amis : y restera-t-il ou reviendra-t-il ? C’est nouveau d’avoir ce choix à Cuba : on peut voyager maintenant. Et puis, que faire à 60 ans ? Jusqu’à maintenant il lui a été dicté ce qu’il devait faire ou pas, mais maintenant la société cubaine a évolué et le grand élan collectif qui animait la jeunesse de son époque en vue d’un monde meilleur s’est mué en un individualisme forcené : chacun se débrouille pour améliorer sa vie par tous les moyens et donc certains arrivent même à se constituer de belles fortunes. Entre sa vie passée et cette vie future qu’il redoute, Conde irrémédiablement honnête et incorruptible s’interroge, éternel pessimiste désabusé. D’autre part si la société évolue vers la richesse pour certains, elle évolue aussi dans plus de misère pour d’autres. Misère que Conde découvre dans les bidonvilles qu’occupent des émigrés intérieurs venus de l’est de l’île (de Santiago notamment). Alors la mélancolie se soigne à coups de rhum avec les amis indéfectibles. La présence de sa compagne Tamara adoucit aussi ce mal être. L’intrigue policière, fort bien menée, ne sert ici que de prétexte à un roman doux amer qui transcende les époques, évoque la foi religieuse du Moyen-Age et dresse le magnifique portrait d’un honnête homme sans illusion à un tournant de sa vie. Leonardo Padura confirme une fois de plus son talent d’écrivain.

     L'avis de Françoise H :

    Leonardo Padura est un écrivain cubain, né à La Havane en 1955. Maître du polar, il a reçu le Prix National de Littérature cubain en 2012 et le prestigieux prix Princesse des Asturies en 2015.Hérétiques (Métailié, 2014)a été salué par la critique et figurait dans la première sélection du Prix Médicis étranger en 2014

    Il aurait pu choisir l'exil comme beaucoup d'intellectuels cubains. Il a choisi de rester par fidélité à ses valeurs et ne le regrette pas. Le fait de partager le quotidien de gens rend authentiques les personnages de ses fictions.

     

    Les années 90 avec la chute du mur en Europe et l'arrêt de l'aide de l'ex URSS, ont impacté durement l'économie cubaine et de fait la vie quotidienne à Cuba . Tous les produits de première nécessité étaient devenus introuvables. Même si la situation s'est améliorée plus tard, le pays est resté isolé et en précarité.

    Mario Conde, personnage emblématique des romans de Leonardo Padura, en pleine crise d'angoisse dûe à l'approche de de ses 60 ans, doit enquêter sur la disparition de la statue d'une vierge noire. Il témoigne avec amertume des fléaux de l'économie occidentale qui gangrènent l'île, de l'incursion d'une économie de marché qui entraîne l'enrichissement de certains alors que d'autres se paupérisent. Les cubains ayant de la famille à l'étranger reçoivent de l'argent pour vivre plus confortablement, des inégalités croissantes apparaissent dans la société cubaine. La Havane a vu l'arrivée des orientaux, habitants des provinces de l'est qui ont construits des bidonvilles à la périphérie, villes fantômes car niées par les autorités. Ce n'est plus une société uniforme. Il y a ceux qui ont tiré leur épingle du jeu et les grands perdants et cela rend amer l'auteur à travers son personnage.

    Comme dans hérétiques, l'oeuvre d'art disparue donne lieu à une partie consacrée à son origine et nous fait ainsi remonter le temps jusqu'au siège de St Jean d'Acre puis à la condamnation de l'ordre des templiers. Cette partie est divisée en chapitres qui s'alternent avec l'enquête de Mario Conde dans la Havane.

    Une deuxième originalité réside dans l'intemporalité du personnage Antoni barral, protecteur de la statue qui apparaît à différentes époques et finit par s 'embarquer pour Cuba pendant la guerre civile espagnole. En cela, il introduit pour la première fois le réalisme magique, cette spécialité latino-américaine que Garcia Marquez et Isabel Allende ont contribué à faire  connaître.

    Le roman se termine le jour ou Obama et Raul Castro ouvrent des discussions qui laissent espérer une normalisation des relations entre les deux pays et peut-être la fin de l'embargo. S'en sont suivis une réelle ouverture freinée bientôt par le gouvernement soucieux de ne pas aller trop vite puis l'élection de Trump . Le nouveau président veut réformer la constitution par voie de référendum, l'accès à Internet est plus facile même s'il reste cher mais les cubains dans leur sens de la débrouille y arrivent toujours.

    Nous avons hâte de retrouver Mario Conde dans une nouvelle enquête pour nous immerger à nouveau dans cette île qui  attire et fascine toujours autant.

    « Héléna ou la mer en été » Julian AYESTA

    L’avis de Janine :

    Julian Aresta est né dans les Asturies, dans la ville de Gijon en 1919. Il meurt en 1996 suite à deux cancers. Il a publié des poèmes, des nouvelles et un seul roman en 1952 : « Héléna ou la mer en été » sous l’aile du prix Nobel, le poète Vicente Aleixandre.

    Son roman est une subtile aquarelle de fraîcheur et de sensibilité. L’évolution de ce jeune homme de quinze ans qui s’engage dans la phalange, sa participation à des mouvements d’écrivains, ses divers postes de diplomates, jusqu’à son engagement contre le gouvernement franquiste sont bien décrits en postface du livre par Xavier Mauméjean, lui-même écrivain français, spécialisé dans la science-fiction, le fantastique et le roman policier et diplômé en philosophie et sciences des religions. Dans « Héléna ou la mer en été » le narrateur se tourne vers un passé, sa ville natale des Asturies où il retrouve un monde où l’insouciance s’alliait aux mystères des adultes. Toute l’Espagne renaît et avec elle l’enfance d’un homme qui n’a rien oublié des parfums de cette ancienne vie, peuplée de personnages truculents, de tantes jacasseuses, d’oncles buveurs de cidre, de cousins de Madrid et de cousines sottes à l’exception d’Héléna qui aide le narrateur enfant à métamorphoser ses angoisses dont une : la peur du péché. Tout un chapitre est peuplé de multiples questions : pourquoi Dieu a-t-il créé les étoiles, les enfants d’Adam et Eve mariés entre frères et sœurs, les mystères planétaires d’un autre monde…

    Dans ce monde se côtoient le mystère de la grâce et de la miséricorde mais aussi le désir naissant de la sensualité. Frémissement de l’air, murmures et couleurs, majesté des paysages de la côte cantabrique, beauté et délicatesse des sentiments, c’est au milieu de tout cela que l’amour descend sur un monde révolu où il suffit de prendre doucement la main de sa cousine pour mourir de plénitude.

    Les critiques ont encensé ce livre. Pr exemple El Pais : « un excellent roman d’une fraîcheur inaltérable, écrit dans une prose magistrale ».

     L'avis de Françoise H :

    A la suite des dernières rééditions, ce court roman est redécouvert et salué par la critique dans des journaux de tous bords :

    « Un des plus beaux livres de la littérature espagnole d’après-guerre. » La Vanguardia.
    « Un excellent roman, d’une fraîcheur inaltérable, écrit dans une prose magistrale ». El Paìs.
    « Tous les parfums et les sensations parallèles de l’enfance, mais aussi les vapeurs de l’éternel féminin, sont déposés avec grâce et humour dans ce roman ».Libération

    L'édition de poche a comme image de couverture un magnifique tableau de Joaquín Sorolla peintre majeur espagnol du X X ème siècle, c'est une illustration parfaite pour ce roman.

    L'auteur se remet à la place de l'enfant qu'il était et imite pour cela un style enfantin en utilisant des des fantaisies typographiques comme celles de supprimer des espaces entre les mots ..
    Il peint par petites touches ses souvenirs d'enfance heureuse et plus particulièrement les étés passés au bord de la mer :

     

    les batailles de polochons entre cousins et cousines qui rendaient folle la tante chargée de les garder.

     

    les baignades propices à taquiner les femmes de la famille engoncées dans des tenues de bain désuètes et improbables.

     

    l'éveil à la sexualité et l'attirance vers sa cousine Helena (l'unique cousine à ne pas être sotte..., jugement misogyne des garçons adolescents de la famille)

     

    la place de la religion qui rythme le temps dans la société espagnole de cette époque, l'interprétation qu'avaient les enfants des péchés et comment ils s'en accommodaient alors qu'ils étaient éduqués chez les jésuites avec pour chacun un père spirituel....

     Juliàn Ayesta, c'est la postface qui nous en parle.  Elle occupe une part très importante dans ce livre. Elle nous éclaire sur l'auteur et revient sur la période évoquée.
    Elle est l'oeuvre de l'écrivain français  Xavier Maumejean érudit et touche à à tout, qui s'implique particulièrement ici puisque ses deux familles ont participé au conflit dans les deux camps.

    Julián Ayesta est né en 1919. Il était très jeune pendant la guerre civile, après des études de droit, il entra dans la diplomatie en 1947, mais ses liens avec certains dissidents l’écartèrent des postes clés. Il publia des poèmes, des nouvelles et un seul roman, en 1952, sous l’aile du prix Nobel Vicente Aleixandre. Il est décédé en 1996.

    « La maison des belles personnes » Gabriel Rolon

    L’avis de Marie-Lou :

    C’est une histoire tout à fait originale car, à la place de policiers, ce sont des psychiatres et autres psychologues qui mènent l’enquête à propos d’un crime !!! Il est vrai que nous sommes à Buenos Aires, ville où il y a le plus grand nombre de psy au m². C’est bien écrit, facile et agréable à lire (beaucoup de dialogues). L’auteur nous présente les personnages de façon un peu ambigüe ce qui fait que le lecteur a du mal à savoir de quels côtés ils se trouvent vraiment : amis ? ou ennemis ? On peut tous les croire impliqués dans cette drôle d’histoire, tous ont de bonnes raisons d’être plus ou moins complices de ce drame. Tout se dénoue à la fin, dans les dernières pages du livre. Pablo, le héros du roman, n’a qu’un but : la recherche de la vérité. Finira-t-il en justicier irréprochable ou en homme finalement raisonnable même au prix d’un mensonge qui soulage tout le monde ?

    « L'oubli que nous serons »d' Héctor Abad Faciolince, journaliste, romancier et traducteur de nombreux auteurs italiens.

    Avis de Françoise H :

    C'est en lisant le lambeau de Philippe Lançon que j'ai eu envie de mieux connaître l'écrivain colombien Héctor Abad et de lire son livre « L'oubli que nous serons ». En effet, Philippe Lançon, journaliste rescapé de l'attentat de Charlie Hebdo cite les lectures qui l'ont marqué pendant sa longue hospitalisation.

    Cet ouvrage est une déclaration d'amour filial et absolu à un père assassiné vingt ans auparavant par des « sicarios » à la solde de politiciens d'extrême droite.

    L'auteur de « L'oubli que nous serons » fait référence dans ce titre à un poème de Borges retrouvé sur le corps de son père et en écrivant cet hommage, il contribue à faire vivre un peu plus longtemps sa mémoire , à le faire mieux connaître et à effectuer pour lui-même une sorte de thérapie.

    Héctor Abad est le seul garçon d'une famille de six enfants. Il a occupé une place privilégié auprès de son père qui l'adorait et lui laissait absolument toute liberté.

    Héctor Abad père (en espagne comme en Amérique latine, il est de tradition de donner le prénom du père au premier garçon) était un humaniste. Médecin, professeur d'épidémiologie à l'université de Medellin, il a toujours oeuvré pour le bien-être des populations pauvres. Courageux, il n'hésitait pas à dénoncer les injustices et les scandales de dirigeants ultra conservateurs. Menacé à cause de ses prises de position et ses discours, très souvent en danger de mort, il a dû s'exiler plusieurs fois.

    Ce livre est captivant car il nous raconte à la fois l'histoire d'un pays livré à la violence dans les années 80, l'histoire d'une famille et surtout la vie d'un homme d'exception.

     


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