• Altamira - Les tribulations d'un inventeur...

    Les tribulations d’un inventeur1

    ou la malchance d’être né et mort trop tôt.

    Marcelino Sanz de Sautuola (1831 – 1888)

    1 Au sens premier de « découvreur ».

     

    Don Marcelino, issu d’une riche famille noble, naquit près de Santander et fit des études de droit. Financièrement à l’aise, il n’exerça pas de profession juridique ; il se consacra à la gestion de ses biens, et surtout à ses passions : botanique, géologie archéologie et préhistoire, puis anthropologie, domaines dans lesquels il devint un amateur éclairé et avisé.

    Il résidait souvent dans une sorte de château, implanté sur une propriété familiale. Il se livrait à la recherche de fossiles et de pierres taillées dans les nombreux gisements préhistoriques des environs.

     

    Sur le plan archéologique, il fit plusieurs expositions à Santander, pour lesquelles il obtint un Prix.

     

    Sur le plan botanique, il acclimata l’eucalyptus dans sa région, en 1863.

    Les choses allaient de ce train ; son métayer, Modesto Cubillas, s’occupait de la propriété et réservait ses loisirs pour la chasse. C’est ainsi qu’un beau jour de 1868, il perdit son chien dans des fourrés de la montagne… L’ayant patiemment cherché, il le retrouva coincé dans un trou rempli d’éboulis. Ce trou lui sembla bizarre, propre à intéresser son châtelain pour ses recherches. Il lui en fit part, et on commença l’exploration en 1875.

    Effectivement, ce trou se révéla riche en trouvailles archéologiques. Toujours le nez par terre, don Marcelino progressa dans la caverne, et sa récolte fut magnifique.

     

    En 1879, sa fille María, qui avait maintenant huit ans voulut l’accompagner dans ses fouilles, et elle emporta une lampe, car elle était curieuse et dégourdie.

    Quelle ne fut pas la surprise du père quand il l’entendit crier qu’il y avait des taureaux peints au plafond de la grotte ! Il accourut et constata que ce n’étaient pas des taureaux, mais des bisons, et vit qu’il y avait aussi d’autres animaux anciens.

     

    Les yeux humains de la petite María sont donc les premiers à avoir revu ces chefs d’œuvre après 15.000 ans…

    Marcelino ressortit de la grotte tellement bouleversé, qu’il partit aussitôt pour Madrid voir son ami, le Docteur en préhistoire et archéologie Juan Villanova. Il lui apportait des objets trouvés et quelques croquis.

     

    Villanova, d’abord perplexe, comprit qu’il s’agissait de quelque chose d’extraordinaire, et dès qu’il put il se rendit à Altamira.

    Ayant vu la grotte de ses propres yeux, il adhéra totalement aux théories anthropologiques de son ami, et le soutint toute sa vie.

     

    En 1880, encouragé par une exposition qu’il avait vue à Paris en 78, Sautuola publia une brochure intitulée « Brèves Notes sur quelques objets préhistoriques », dans laquelle il laissait entendre que ces objets, ainsi que les peintures dont il incluait des croquis, dataient d’au moins 12.000 à 15.000 ans.

    Cette publication fit l’effet d’une bombe, aussi bien en France, autour du ponte européen de l’archéologie, le français Emile Cartailhac, que de l’Eglise espagnole, totalement créationniste à l’époque.

    Tout le monde s’en mêla, et ce fut pour le malheureux inventeur le début d’un calvaire dont il ne devait jamais voir la fin, mort trop tôt, en 1888…

    Ce furent les préhistoriens, les archéologues, etc. qui l’accusèrent de fraude et de falsification, car ils considéraient l’homme primitif comme une brute épaisse, incapable de réaliser des œuvres aussi raffinées.

     

     Ensuite, ils cherchèrent le responsable, et il faut dire que Sautuola joua de malheur, car il demanda à un peintre sourd et muet, Paul Ratier, de faire une copie d’une partie de la grotte : ils tenaient leur coupable, car la copie était tellement réussie qu’ils affirmèrent que ce copiste était le véritable auteur de l’ensemble. Et puis, l’état de conservation des œuvres ne cadrait pas du tout avec l’époque prétendue.

    L’ensemble des spécialistes, avec à leur tête Mortillet et Cardailhac, avait tout à perdre dans la reconnaissance de l’authenticité de la découverte : leur prestige, leur vanité et leurs rentes de situation…

    Ils s’acharnèrent sur le malheureux découvreur par tous les moyens.

    L’Eglise, espagnole surtout, totalement créationniste, et qui se faisait forte de dater avec précision le premier jour de la Création du Monde, déclara qu’il y avait là un blasphème, contre la Génèse, et la claire manifestation d’un athéisme croissant.

    Même la querelle des « créationnistes » et des « évolutionnistes », après Darwin, y trouva de nouveaux arguments.

    Mais voilà qu’au tout début du XXe Siècle, commencèrent à apparaître les grottes peintes de la Vézère, en Dordogne !

     Il fallut bien se rendre à l’évidence et, en 1902, Cardailhac, par rigueur scientifique, dut reconnaître que Sautuola et ses amis avaient raison, et eut l’honnêteté et le courage de publier dans la revue « L’Anthropologie » un article intitulé « Mea culpa d’un sceptique », où il présentait ses excuses au découvreur d’Altamira, qui avait vu juste.

    Mais le malheureux Sautuola était mort depuis 14 ans…

    María Sautuola assista de loin à tout cela.

    Devenue adulte, elle se maria avec un descendant de la famille Botín, plus connue comme fondateurs et dirigeants de la « Banco de Santander », première banque d’Espagne et 3e d’Europe. Le groupe est actuellement dirigé par Ana Patricia Botín Sanz de Sautuola, l’un des femmes élues parmi les plus puissantes du Monde.

     

    En 2016, la famille Botín a co-financé la production d’un film en l’honneur de leur ancêtre découvreur de la grotte.

    Antonio Banderas en était le héros, et le réalisateur anglais Hugh Hudson.

    Le succès n’a pas couronné ce film, trop académique et conventionnel selon la critique, et seulement sauvé par la passion d’Antonio Banderas.

    Il semble que cette entreprise n’ait pas été à la hauteur de la réhabilitation ni de l’hommage qui en étaient l’objectif…

     

    Daniel D.

    Le film "Altamira" est disponible dans le commerce en ligne sous forme de DVD

     

     


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